Le glyphosate, l’herbicide le plus utilisé au monde, est depuis longtemps sous les feux des projecteurs en raison de ses impacts environnementaux et sanitaires. L’Europe a même tenté de le bannir définitivement, sans réel succès pour l’instant.
Glyphosate dans les rivières : la faute à la lessive ?
Traditionnellement associé à l'agriculture intensive, le glyphosate a une nouvelle fois été mis en cause dans la pollution des cours d'eau européens. Une étude approfondie, publiée dans la revue Water Research, menée par M. Schwientek et ses collègues, a révélé que la source principale de glyphosate dans les rivières européennes pourrait être les eaux usées urbaines, une découverte qui bouleverse les conceptions traditionnelles et nécessite une révision des stratégies de gestion environnementale.
Glyphosate et AMPA dans les rivières : des différences entre Europe et Etats-Unis
L'étude a analysé les concentrations de glyphosate et d'acide aminométhylphosphonique (AMPA) sur une période prolongée, couvrant environ 100 sites en Europe et aux États-Unis. Les données ont été collectées à partir de diverses sources, incluant des bases de données gouvernementales et des publications scientifiques, et ont été rigoureusement comparées pour identifier les schémas de contamination.
Tableau 1 : Sites d'échantillonnage et sources de données
Région | Nombre de sites | Sources de données principales |
---|---|---|
États-Unis | 27 | United States Geological Survey (USGS) |
Europe | 73 | Institutions locales et régionales de gestion de l'eau |
Les données européennes montrent des concentrations élevées et constantes de glyphosate et d'AMPA tout au long de l'année, avec des pics en été. En contraste, les concentrations aux États-Unis augmentent principalement après les applications agricoles suivies de précipitations.
Glyphosate : les sources urbaines dominent en Europe
Les schémas de contamination en Europe sont fortement corrélés avec ceux des marqueurs des eaux usées, tels que les produits pharmaceutiques et les autres micropolluants urbains. Cette corrélation, qui pour l’instant n’est pas considère comme une relation de cause à conséquence, suggère que le glyphosate pénètre dans les rivières principalement via les effluents des stations d'épuration des eaux usées.
Tableau 2 : Corrélation des concentrations de glyphosate avec différents marqueurs
Marqueurs | Corrélation (Europe) | Corrélation (USA) |
---|---|---|
AMPA | 0.85 | 0.80 |
Herbicides agricoles | -0.10 | 0.75 |
Marqueurs des eaux usées | 0.90 | Non disponible |
Les schémas saisonniers observés en Europe, où les concentrations de glyphosate sont élevées même en hiver, contrastent fortement avec les schémas observés aux États-Unis. Et la différence pourrait être la composition de la lessive.
La lessive : source de pollution au glyphosate ?
L'une des hypothèses les plus intrigantes de l'étude est que le glyphosate pourrait être un produit de transformation des aminopolyphosphonates, des composés utilisés dans les détergents à lessive et autres produits ménagers en Europe. Ces composés, lorsqu'ils sont dégradés dans les stations d'épuration, pourraient générer du glyphosate.
Tableau 3 : Sources potentielles de glyphosate et AMPA dans les eaux usées
Source | Usage principal | Produits de transformation |
---|---|---|
Aminopolyphosphonates | Détergents, traitement des eaux | AMPA, potentiellement glyphosate |
Herbicides urbains | Applications municipales et privées | Glyphosate |
Les aminopolyphosphonates, largement utilisés comme agents antitartre et inhibiteurs de corrosion, sont transformés en AMPA dans les stations d'épuration. Les chercheurs proposent que le même processus pourrait générer du glyphosate, expliquant ainsi la corrélation élevée observée entre les concentrations de glyphosate et d'AMPA dans les effluents des stations d'épuration.
Différences entre les États-Unis et l'Europe
La comparaison des données entre les États-Unis et l'Europe a révélé des différences dans les schémas de contamination. Aux États-Unis, les pics de glyphosate sont fortement liés aux précipitations suivant les applications agricoles. En revanche, en Europe, les concentrations de glyphosate restent élevées tout au long de l'année, même en dehors des périodes de forte utilisation agricole.
Tableau 4 : Comparaison des schémas de contamination entre les États-Unis et l'Europe
Région | Source principale | Schéma saisonnier | Corrélation avec d'autres contaminants |
---|---|---|---|
États-Unis | Agriculture | Pics après application et pluies | Forte corrélation avec d'autres herbicides |
Europe | Eaux usées urbaines | Élevée toute l'année, avec pic en été | Forte corrélation avec les marqueurs des eaux usées |
Ces différences suggèrent que les stratégies de gestion de l'eau doivent être adaptées pour tenir compte des sources spécifiques de contamination dans chaque région.
Implications pour la gestion de l'eau : vers plus de contrôle ?
Les conclusions de cette étude ont des implications profondes pour les politiques de gestion de l'eau. Les stratégies actuelles de réduction de l'utilisation agricole du glyphosate pourraient être insuffisantes pour diminuer la contamination des rivières européennes. Pour réduire cette pollution, il faudra potentiellement adopter une approche intégrée qui prend en compte les sources urbaines et industrielles de pollution.
Les régulateurs européens devront peut-être revoir les normes et les procédures de traitement des eaux usées pour mieux éliminer le glyphosate et ses produits de transformation. Des mesures de sensibilisation du public sur l'utilisation des produits contenant des phosphonates pourraient également être cruciales pour réduire la charge de glyphosate entrant dans les stations d'épuration.
Autre solution : réglementer la composition de la lessive pour qu'elle ne produise plus de résidus de glyphosate lorsque les eaux usées sont traitées. Une solution qui marcherait étant donnés les résultats de l'étude pour les Etats-Unis.