Crise des semi-conducteurs : l’Europe montre la voie

Selon les derniers chiffres publiés par la Semiconductor Industry Association (SIA), le marché des semi-conducteurs devrait se redresser cette année, après un véritable effondrement en 2023. La SIA prévoit en effet une hausse de 13,1 % des ventes mondiales de puces, totalisant 554,03 milliards d’euros en 2024, après la baisse de 8,2 % constatée en 2023. Ce rebond est attribué aux besoins de l’industrie automobile et à une demande accrue en matière d’intelligence artificielle. C’est un signe prometteur pour la croissance de l’écosystème des semi-conducteurs ainsi que pour le renforcement des capacités et de l’infrastructure industrielles en Europe.

Kevin Davoren
Par Kevin Davoren Publié le 30 juillet 2024 à 4h30
Semiconducteurs Investissement Societes Cotees
800 MILLIONS €Un investissement de 800 millions d’euros soutiendra la recherche universitaire pour les technologies de pointe à l’horizon 2030

Dans le cadre de la loi européenne sur les semi-conducteurs, ou European Chips Act, les financements industriels ont été stimulés, de nouvelles installations de production ont été créées et différentes initiatives de recherche commencent à voir le jour. Cet effort législatif devrait mobiliser un montant de 43 milliards d’euros d’investissements publics et privés combinés, l’UE engageant un budget de 3,3 milliards d’euros pour cette initiative. Cette stratégie permet à l’UE de faire face à la concurrence des fournisseurs étrangers et d’accroître sa part de marché des semi-conducteurs de 10 à 20 % d’ici à 2030.

Dans cette optique, les États membres de l’UE ont formé une « entreprise commune Semi-conducteurs » (ou « Chips Joint Undertaking »), mécanisme d’investissement fonctionnant sous l’égide du programme Horizon Europe. Fruit d’une collaboration entre acteurs publics et privés, ce partenariat bénéficie d’un financement de 11 milliards d’euros provenant de diverses sources, avec des contributions de l’Union européenne, des États membres, des pays partenaires et des entreprises du secteur privé. Ces apports seront consacrés à l’avancement de la recherche et du développement dans le secteur des semi-conducteurs pour en soutenir la croissance et la compétitivité, tout en sécurisant ses approvisionnements. Il imposera ainsi l’UE en chef de file dans ce domaine. En parallèle, plusieurs États membres, dont l’Irlande et la France, ont pris différentes mesures pour renforcer leurs propres stratégies nationales.

L’Irlande mise sur la recherche et le développement

L'Irlande, qui abrite 15 des 30 premières entreprises mondiales de semi-conducteurs, dont Intel, Qualcomm et AMD, dispose d'une position impressionnante dans le domaine. En début d’année, l’entreprise américaine Analog Devices a annoncé un apport de 630 millions d’euros dans son campus de Limerick, tandis qu’Intel a lancé un plan d’investissement de 17 milliards d’euros pour une nouvelle usine de fabrication de puces, Fab 34, en territoire irlandais. Avec un marché potentiel de 1 000 milliards de dollars d’ici 2030, l’Irlande doit relever les défis et saisir les opportunités de ce secteur en plein essor.

Alors que la filière devient plus concurrentielle, la stratégie du pays ne peut pas se limiter à attirer des investissements et à convaincre des entreprises de s’implanter. L’Irlande doit également intensifier ses efforts en recherche et développement, renforcer ses capacités de fabrication et élargir son bassin de compétences. La pénurie de professionnels qualifiés dans le domaine des semi-conducteurs (traitement, fabrication, conception numérique et analogique, création de systèmes hétérogènes et développement de matériaux innovants) est un défi majeur. Pour y remédier et maximiser les opportunités, le Tyndall National Institute a présenté une stratégie alignée avec la nouvelle loi européenne sur les semi-conducteurs. Elle propose de reconnaître les activités locales de fabrication et de conception de semi-conducteurs comme un secteur industriel distinct, de créer un groupe d’experts, et de former une alliance entre diverses parties prenantes pour une approche globale de la chaîne de valeur. Ainsi, l’Irlande pourrait devenir un carrefour d’innovation et un fournisseur majeur de produits fabriqués sur son territoire.

La France vise à augmenter ses capacités de production

Le gouvernement français a dévoilé une stratégie ambitieuse pour le secteur des semi-conducteurs dans le cadre du plan France 2030, visant à stimuler le développement des puces et les capacités de production nationales. Ce plan alloue plus de 5 milliards d’euros pour favoriser la croissance et l’industrialisation de ce secteur, en accord avec les objectifs de transition numérique et écologique. Il s’articule autour de trois axes principaux : la création de 5 700 emplois, l’augmentation des capacités de production, et l’industrialisation de technologies innovantes. La stratégie vise également à alléger les difficultés d’approvisionnement en composants essentiels, notamment grâce à une nouvelle unité de production, ou « mégafab », soutenue par STMicroelectronics et GlobalFoundries, qui doublera la capacité de production du pays en technologies de basse consommation. Plus globalement, le développement et la production d’électronique de basse consommation, d’électronique de puissance et de technologies de capteurs pour favoriser la transition écologique et numérique en France et en Europe sera accentué.

Parallèlement, l’accent est mis sur la recherche et l’innovation pour faire progresser le secteur. Le plan France 2030 inclut le développement des puces FD-SOI de nouvelle génération au nœud de 10 nm, plaçant la France parmi les cinq premiers pays en technologies de fabrication avancées. Un investissement de 800 millions d’euros soutiendra la recherche universitaire pour les technologies de pointe à l’horizon 2030. La feuille de route comprend également un programme pour promouvoir l’innovation chez les start-ups, PME et entreprises de taille intermédiaire, contribuant à un écosystème d’innovation électronique dynamique en France.

En somme, l’engagement de l’Europe dans l’innovation des semi-conducteurs par le biais du European Chips Act et des différentes stratégies nationales atteste de l’importance de ce secteur pour l’avenir de la technologie et pour la croissance de l’espace économique formé par les États membres. Avec de telles initiatives, l’Union européenne montre sa capacité à s’imposer sur la scène internationale en relevant les défis de ce marché et en saisissant ses opportunités.

Kevin Davoren

VP Technology and Services Europe à l’IDA Ireland

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