Faut-il vraiment ajouter de la dette privée à la dette publique ?

A partir de décembre 2024, à la suite de la loi « industrie verte », les contrats d’assurance-vie en gestion pilotée (30-35% des encours) seront tenus d’intégrer au moins 1% de fonds non cotés dans leurs allocations. Ce pourcentage minimum augmentera ensuite progressivement.

Collaborateur Bdl, Le 25 Novembre 2019 Au Siège 20 Rue Du Rocher à Paris
Par Laurent Chaudeurge Publié le 3 juillet 2024 à 4h30
dette, publique, privé actions, financement, entreprise
5%5% de l’épargne des français est investie en actions cotées

1% est un montant avant tout symbolique, mais le symbole est important car il reflète un état d’esprit qui s’est propagé auprès des décideurs politiques : « il faut favoriser le non coté car c’est lui qui finance les entreprises ». En somme, le politique réserve la spéculation aux marchés côtés, et l’investissement aux marchés non cotés.

Cette vision des choses est fausse et affaiblit le développement d’un capitalisme transparent et démocratique. Délaisser l’investissement coté c’est à la fois priver de financement des entreprises de croissance, favoriser l’opacité plutôt que la visibilité et réduire la liquidité de l’épargne des citoyens français.

Ceux qui voient les variations des cours de bourse comme le simple reflet d’un casino géant se trompent lourdement. Les marchés cotés sont les premiers fournisseurs de financement de l’économie, avec un horizon d’investissement à long terme, une transparence et une liquidité inégalées.

Par le mécanisme des introductions en bourse et des augmentations de capital, les marchés cotés financent les besoins des entreprises, petites ou grandes, de la même manière que le fait le non coté. Mais il existe une différence importante, ce financement n’est pas conditionné à une date butoir, à l’inverse du non coté où les participations sont souvent détenues pour 5 à 7 ans. Contraint par cet horizon de temps raccourci, le non coté augmente l’endettement des entreprises et les incite à faire des choix entre la pérennisation de l’outil industriel et la hausse de la rentabilité à court terme.

Les marchés cotés sont aussi plus transparents et plus exigeants car ils imposent des contraintes de reporting beaucoup plus importantes que dans le non coté. En cela, ils offrent à l’épargnant ce qui se fait de mieux en termes de diversification, de visibilité et de liquidité de l’épargne.

Ce dernier point est crucial et toujours sous-estimé. Les cours de bourse qui varient tous les jours reflètent la possibilité, pour l’épargnant, d’acheter ou céder tout ou partie de ses participations à tout instant. Si un besoin urgent survient, l’épargnant reçoit du jour au lendemain ses liquidités pour y faire face. C’est l’avantage unique des marchés cotés. Cet avantage est ignoré la plupart du temps mais sa valeur est inestimable en période de crise. Récemment, on l’a vu sur le marché immobilier avec les SCPI. Alors que chacun pensait pouvoir récupérer ses liquidités aisément, beaucoup se retrouvent bloqués indéfiniment.

Le propos n’est pas d’encenser le coté et de décrier le non coté. Il est simplement de dénoncer des contre-vérités pour que les pouvoirs publics prennent les bonnes décisions quant aux choix à faire pour l’épargne des français et pour le financement de nos entreprises et de nos priorités stratégiques.

En réalité, le vrai débat n’est pas coté vs non coté mais est actions vs obligations. A peine 5% de l’épargne des français est investie en actions cotées1, alors que c’est de loin la meilleure classe d’actifs à long terme. C’est quatre fois moins qu’aux Etats-Unis. On se demande pourquoi, sur longue période, les Américains s’enrichissent plus vite que nous mais la réponse est claire : le citoyen américain finance la croissance des entreprises américaines pendant que le citoyen français finance le déficit budgétaire de l’Etat français.

Les pouvoirs publics ont donc un conflit d’intérêt majeur. Alors qu’ils devraient inciter les Français à placer une partie beaucoup plus importante de leur épargne en actions, ils ne peuvent le faire car ils fragiliseraient le financement des 3100 milliards de dette de l’Etat Français. Pour résoudre ce dilemme et conserver les apparences, ils annoncent que 1% de l’épargne devra être placée dans les entreprises non cotées. Mais il ne faut pas s’y tromper, cette décision symbolique ajoute de la dette privée et de l’illiquidité dans le système, envoie un mauvais message concernant la fonction des marchés cotés et ne règle en rien le problème de l’épargne des Français.

1Source Banque de France 2022

Collaborateur Bdl, Le 25 Novembre 2019 Au Siège 20 Rue Du Rocher à Paris

Porte-Parole de la Gestion de BDL Capital Management

Suivez-nous sur Google News Economie Matin - Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités.

Aucun commentaire à «Faut-il vraiment ajouter de la dette privée à la dette publique ?»

Laisser un commentaire

* Champs requis