Oui vous avez bien lu : demain, 100 euros déposés à la Banque Centrale Européenne pourraient bien devenir 99,50 ou 99 euros un an plus tard. C'est ce que les financiers appellent dans leur jargon obscur un "taux de dépôt négatif". C'est Benoit Coeuré, membre du directoire de la BCE, qui a levé le lièvre cette semaine, évoquant la possibilité pour la Banque Centrale Européenne de ne plus rémunérer les comptes de dépôt - utilisés par les banques comme la votre par exemple, pour mettre l'argent à l'abri )..
Jusqu'ici, le taux d'intérêt servi par la BCE était de 0,25 %. Mais dans un futur proche, il pourrait tomber à 0 %, voire donc, être inférieur à zéro, ce qui signifie que cela coûtera de l'argent à ceux qui en déposent à la BCE ! Deux interprétations à cette annonce qui n'a encore rien de définitive ni même d'officielle. La première, pessimiste, consiste à admettre que les grandes banques, celles qui peuvent placer leur argent à la BCE, sont prêtes à ne pas être rémunérées pour cela, voire pourraient accepter de perdre un peu. Pourquoi ? Pardi, parce que la BCE, c'est un peu le fort Knox de la finance européenne, la dernière place forte où l'argent se trouve à l'abri ! Rappelons au passage que tout cela ne se fait pas avec des camions blindés qui fileraient à Francfort, au siège de la BCE, mais par un bête transfert électronique, puisque l'essentiel de l'argent en circulation entre banques est virtuel. On place son argent à la BCE car une banque centrale ne fait pas faillite, alors que l'argent qui se trouve sur un compte chez une banque "amie" peut partir en fumée du jour au lendemain si la banque en question fait faillite...
Des taux d'intérêt négatifs pour faire fuir l'argent
Mais il y a une autre interprétation à cette hypothèse, décrite par Benoit Coeuré comme "très sérieuse", hypothèse dont le gouverneur de la BCE, Mario Draghi, a également parlé à plusieurs reprises. Il s'agit évidemment de forcer les banques à faire circuler l'argent dont elles disposent, et l'injecter dans l'économie réelle. Cela veut dire, prêter, enfin, à ceux qui en ont besoin, les entreprises comme les particuliers. Pas pour boucher des trous, mais pour investir, évidemment.
En mai 2012, plus de 800 milliards d'euros avaient été mis au chaud par les banques commerciales sur les comptes de la BCE, rémunérés à 1 %. De l'argent... prêté par la BCE aux mêmes banques, pour qu'elles l'injectent dans l'économie réelle ! Sur les 1000 milliards prêtés (et créés artificiellement) par la BCE, les 4/5 étaient donc revenus au bercail. Aujourd'hui, on nous dit que la BCE n'abrite qu'une cinquantaine de milliards d'euros appartenant aux banques commerciales. Si c'est exact, chasser cet argent en ne rémunérant plus les dépots ne changera pas grand chose. Mais on peut aussi envisager qu'il y ait quelques dizaines (ou centaines ?) de milliards planqués dans les comptes éléctroniques de la BCE et qui seraient bien utiles dans l'économie réelle !