L’assurance agriculteur : une nécessité face au réchauffement climatique

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Par Partenaire Modifié le 23 mars 2023 à 9h53
Soutien Agriculture Francaise
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73 MILLIARDS €En 2018, l'agriculture en France affichait un chiffre d'affaires de 73 milliards d'euros.

Les agriculteurs français, en avril 2021, ont été victimes d’un épisode de gel inédit et catastrophique. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture, a même qualifié cet épisode de « pire catastrophe agronomique de ce début de 21e siècle », autant par son ampleur (des températures ayant chuté très rapidement à près de -10 degrés Celsius) que par son étendue (10 des 13 régions françaises ont été concernées). Dans certaines régions, c’est plus de 50% de certaines productions agricoles qui ont été touchées.

Si le gouvernement a rapidement mis en place des mesures pour soutenir l’agriculture en France, cet épisode a mis sur le devant de la scène une problématique : celle de la nécessité, pour les agriculteurs, de protéger leur exploitation face à un climat qui change. Les épisodes exceptionnels de ce type sont malheureusement amenés à se multiplier et s’amplifier, une tendance qui a pris de l’ampleur depuis des années qui pourrait s’accélérer à l’avenir, à mesure que le dérèglement climatique mondial augmente et que le climat est impacté.

Le régime de calamité agricole est-il suffisant ?

Dans le cadre de ses dispositifs de protection des personnes et des entreprises, la France dispose d’un régime de calamité agricole, créé en 1964, qui peut être déclenché par le gouvernement dans le cas où une telle situation se présenterait.

Selon l’article L361-5 du code rural et de la pêche maritime, sont considérés comme calamités agricoles « les dommages résultant de risques, autres que ceux considérés comme assurables dans les conditions prévues au troisième alinéa, d’importance exceptionnelle dus à des variations anormales d’intensité d’un agent naturel climatique, lorsque les moyens techniques de lutte préventive ou curative employés habituellement dans l’agriculture, compte tenu des modes de production considérés, n’ont pu être utilisés ou se sont révélés insuffisants ou inopérants. »

En déclenchant ce régime de calamité agricole, comme ce fut le cas en avril 2021, le gouvernement permet aux agriculteurs de demander une indemnisation de leurs dommages auprès du fonds national de garantie des calamités agricoles. Mais l’indemnisation de ce fonds est loin d’être accessible à l’ensemble des agriculteurs : il existe de nombreux cas d’exploitations agricoles qui ne peuvent prétendre au fonds d’indemnisation. Ces derniers, dans le cas d’événements climatiques majeurs, ne peuvent donc que se tourner vers leur assurance agriculteur, s’ils ont assuré leur exploitation… dans le cas contraire, ce sont des pertes nettes qu’ils doivent encaisser.

Et ce sans compter que le fonds national d’indemnisation ne se déclenche que si la perte de revenus dépasse le seuil de 30% : en dessous de ce seuil de perte, l’indemnisation est impossible.

Ce qui est, et n’est pas, indemnisé en cas de calamité agricole

C’est la loi qui précise ce qui est, et n’est pas, éligible au fonds national de garantie des calamités agricoles. Il est donc possible en amont de savoir si une exploitation pourra être indemnisée, et pour quels biens. Comme l’explique la préfecture du Gers sur son site Internet, le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGRA) prend en charge :

  • les pertes de récolte végétale non assurables ;

  • les pertes de cheptel (si le cheptel ne se trouvait pas dans un bâtiment) ;

  • les dommages subis par le sol (pertes de fonds).

Inversement, le fonds n’indemnise pas :

  • les bâtiments d’exploitation et leur contenu (fourrages stockés et cheptel notamment) ;

  • le matériel d’irrigation ;

  • la perte de production si elle est couverte par un contrat d’assurance récolte ;

  • les « grandes cultures ».

Plus précisément, l’article 1 de l’arrêté du 26 décembre 2010 « fixant la liste des risques considérés comme assurables pour la gestion du Fonds national de gestion des risques en agriculture » détaille que « sont exclus de toute indemnisation par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) :

1° En ce qui concerne les pertes de récolte :

a) L'ensemble des risques climatiques sur céréales, oléagineux, protéagineux, plantes industrielles, y compris les semences de ces cultures, et sur vignes ;

b) Le risque de grêle, étendu au risque de vent conformément à l'article L. 122-7 du code des assurances, sur toutes les cultures végétales autres que celles mentionnées au a, y compris les cultures sous abris et les pépinières. Les pertes de récolte sur cultures fourragères dues à la grêle restent toutefois indemnisables par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) ;

c) Les risques de grêle, de tempête, de gel, d'inondations, de pluviosité excessive et de sécheresse sur les cultures de tabac.

2° En ce qui concerne les pertes de fonds :

a) L'ensemble des risques climatiques sur les bâtiments, y compris les abris (notamment les serres et ombrières). Les dommages sur les chenillettes, les volières et les petits tunnels maraîchers d'une hauteur inférieure à 80 cm restent toutefois indemnisables par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) ;

b) Le risque de grêle sur les installations de protection contre la grêle (filets paragrêle et armatures) ;

c) L'ensemble des risques climatiques sur les équipements, installations et matériels d'irrigation, notamment les pivots, rampes et tuyaux ;

d) Le risque de foudre sur le cheptel (hors bâtiments) ;

e) Le risque de chaleur entraînant la mortalité du cheptel d'élevage hors-sol à l'intérieur des bâtiments. »

Les agriculteurs ne sont que rarement assurés

Comme on peut le voir, certains secteurs entiers de la production agricole, comme la production céréalière ou encore viticole, sont exclus du fonds d’indemnisation, tout comme certains phénomènes climatiques ou certains équipements. La raison est simple : il existe des assurances spécifiques pour ces activités qui couvrent, justement, les dommages et les pertes d’exploitation. L’État estime donc qu’il est de la responsabilité des agriculteurs de se protéger.

Or, l’épisode de gel d’avril 2021, de par son étendue, a mis la lumière sur l’absence d’assurance de nombre d’exploitants agricoles. Selon la Fédération Française des Assurances (FFA), seulement 32% des viticulteurs et moins de 4% des surfaces arboricoles en France sont couvertes par une assurance dédiée. En cas de catastrophe agricole, les pertes de ces exploitants ne sont pas compensées, et certains agriculteurs risquent de ne plus pouvoir se relever.

C’est pour cette raison que certains professionnels de l’agriculture veulent que les choses changent. Dans les colonnes du journal Le Parisien, Laurent Menestreau, président de la fédération viticole de l’Anjou et de Saumur, aimerait voir l’assurance dans le domaine agricole devenir obligatoire « à la manière d’une assurance habitation ou d’une assurance voiture ». En France, en effet, les assurances habitation ou automobile sont une obligation légale, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays, y compris en Europe. L’assurance agricole, de son côté, reste optionnelle pour les exploitations, qu’elles soient, ou non, couvertes par le fonds d’indemnisation : une situation qui ne peut qu’entraîner des problèmes à l’avenir.

Il faut dire que la marge de progression est plus qu’importante : seulement 4,7 millions d’hectares (dont 4,4 millions en grandes cultures) étaient assurés en 2018, ce qui ne représente que 16% de la Surface Agricole Utile (SAU) de France. Pourtant, les agriculteurs s’inquiètent de l’impact du réchauffement climatique et du changement climatique, dont les effets sont de plus en plus visibles chaque année, autant sur les exploitations qu’au niveau mondial dans son ensemble : une préoccupation qui arrive en tête des inquiétudes selon une étude de l’Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) de 2017 , devant la pollution de l’eau. Et pour 60% des agriculteurs interrogés, le réchauffement climatique ne fait aucun doute.

Par ailleurs, lorsqu’on compare le marché de l’assurance agricole français avec celui d’autres grands pays producteurs, on remarque une nette différence : 85% de la Surface Agricole Utile est assurée aux États-Unis ou encore 60% en Espagne. Il faut préciser toutefois que ces deux pays ont depuis longtemps mis en place des schémas d’assurance agricole, souligne l’étude de l’Association des professionnels de la réassurance en France (Apref) publiée en février 2021  : 1989 pour les États-Unis, 1979 pour l’Espagne… contre 2005 pour la France. De quoi expliquer, en partie, le taux très bas de pénétration des contrats d’assurance agricole en Hexagone.

Combien coûte une assurance agriculture ?

Les agriculteurs semblent donc avoir tout intérêt à prendre une assurance agriculteur afin de protéger leur exploitation, parfois issue du travail d’une vie voire passée de main en main au fil des générations. Mais cela a bien évidemment un coût qui doit être prise en compte, mais qui est un investissement pour un avenir plus serein. Celui-ci est extrêmement variable puisqu’il va dépendre de la taille de l’exploitation, du capital garanti, du nombre d’employés ou encore de la production en elle-même. Les estimations parlent toutefois d’un prix moyen entre 1.000 euros et 2.000 euros par an, pour une assurance qui couvre la production comme le matériel.

Mais il paraît évident qu’il faut que l’agriculteur s’adresse à un conseiller professionnel de l’assurance ou du secteur bancaire pour obtenir une estimation chiffrée exacte et adaptée aux besoins de son exploitation et des risques principaux auxquels elle est exposée. L’idéal est bien évidemment de s’adresser à un conseiller spécialisé dans l’agriculture, ou le conseiller qui suit déjà l’exploitation pour d’autres questions comme le financement ou les assurances déjà contractées.

Ne pas oublier les aides publiques

Le prix de l’assurance agriculteur est un des principaux freins, selon les professionnels de l’assurance, à son adoption massive. Un frein qui s’ajoute à une méconnaissance du régime de calamité agricole et du fonctionnement du fonds national de garantie des calamités agricoles. Certains agriculteurs ne sont pas au courant que ce fonds ne les indemnise pas, ce qui explique par exemple le taux d’adoption relativement bas, près d’un tiers des exploitations, d’une assurance agriculteur dans le domaine viticole, pourtant exclu par défaut de ce fonds d’indemnisation.

Mais Franck Levallois, directeur général de la Fédération Française des Assurances (FFA), rappelle dans les colonnes du Parisien que les agriculteurs sont aidés pour le paiement des assurances qui sont dédiées à la protection de leur activité professionnelle : « les contrats sont subventionnés à hauteur de 65 % dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC) ».

Cette subvention concerne les contrats socle, précise la Fédération Française des Assurances (FFA) sur son site. Mais ce n’est pas la seule aide disponible : « le complément de cotisation correspondant à un deuxième niveau de couverture (indemnisation basée sur le chiffre d’affaires) bénéficie également d’une subvention de l’État, à un taux néanmoins inférieur à celui du premier niveau de couverture (45%). »

Une réforme de l’assurance agricole à venir ?

La situation exceptionnelle du mois d’avril 2021 et l’impact que cet épisode de gel a eu sur le secteur agricole en France, a conduit le gouvernement à lancer une véritable reflexion majeure à la fois sur le principe d’assurance agricole et sur le fonctionnement du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Une réflexion plus que nécessaire puisqu’il ne fait aucun doute que dans les décennies à venir le risque climatique va s’accentuer. D’autant plus que le gouvernement avait déjà lancé, et ce depuis 2019 sur impulsion de d’alors ministre de l’Agriculture Didier Guillaume, une réforme des outils de gestion des risques dans le domaine agricole.

Le député Frédéric Descrozaille (LREM) a rendu son rapport au ministre de l’Agriculture Julien Denormandie quelques jours seulement après l’épisode de gel : le 21 avril 2021. Dans ce rapport, qui pourrait constituer une base pour la réflexion à engager, il est question de changer les règles concernant l’indemnisation. Notamment, le député, sans surprise, soutient qu’il faut augmenter le taux de pénétration de l’assurance multirisque climatiques (MRC) dans le secteur agricole qui, comme on l’a vu, reste très bas en France. L’assurance agricole semble donc destinée à devenir l’outil de protection majeur pour les agriculteurs en France.

Afin d’inciter les agriculteurs à opter pour une assurance protégeant leur exploitation, la France pourrait s’aligner avec ses voisins espagnols en termes de seuil de déclenchement et de subvention, bien que rien ne soit décidé à ce jour.

En contrepartie d’un taux plus important de cultures assurées, le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) pourrait alors être étendu à toutes les cultures, donc indemniser aussi la viticulture ou les grandes cultures par exemple, ainsi avec un seuil de déclenchement plus haut. Il servirait donc à couvrir les événement climatiques réellement exceptionnels, ce qui paraît logique si on part du principe que, malheureusement, les événements qui sont considérés exceptionnels aujourd’hui risquent de devenir de plus en plus fréquents.

Mais une telle réforme risque de prendre du temps et conduire à des discussions potentiellement houleuses entre le gouvernement et les représentants du secteur agricole. Reste que l’assurance agricole semble une solution viable pour garantir la sécurité financière des agriculteurs et éviter que cette profession, en crise car souffrant d’un manque d’attractivité, ne disparaisse à cause du changement climatique et de l’impact économique que ce dernier a sur l’activité.

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