Le ministre de l’Éconmie, Bruno Le Maire, et le ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave, l’ont annoncé à l’Assemblée nationale : il faut réduire les dépenses publiques afin de redresser les comptes de la France. Et si nous les aidions un petit peu ?
Austérité : SNU, ISF… aidons l’exécutif à trouver de l’argent
Rétablir l’ISF pour augmenter les rentrées fiscales
Le gouvernement veut faire des économies, tout en ne parlant pas d’austérité, terme banni par l’exécutif car il fait peur à la population. L’austérité… ça rappelle la crise grecque en Europe. Mais l’exécutif n’est pas exempt de responsabilités quand il s’agit de réduire les rentrées d’agent de l’État. L’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF), remplacé par l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) dès qu’Emmanuel Macron est arrivé à l’Elysée en 2017 a conduit à un trou majeur dans les finances publiques.
Dès 2018, première année d’application de la réforme, les recettes de l’IFI n’ont représenté que 29% des recettes potentielles de l’ISF, soit une perte de 71%. Cette année là, les recettes ont chuté de 4 milliards d’euros en 2017 (ISF) à 1,29 milliard en 2018 (IFI). En 2022, la situation a empiré, selon le rapport du Comité d’évaluation des reformes de la fiscalité du capital publié en octobre 2023 : 1,83 milliard d’euros d’IFI collectés en 2022 contre un montant théorique de 6,3 milliards si l’ISF avait été maintenu, soit 4,5 milliards d’euros de moins.
Rétablir l’ISF, ce qui ne pèserait que sur les ménages les plus riches dont le patrimoine est supérieur à 1,3 million d’euros, rapporterait donc peu ou prou 5 milliards d’euros de à l’État que l’IFI. Soit… la moitié des économies espérées pour 2024 et près de la moitié de celles de 2025.
Le Service National Universel (SNU) : une dépense colossale pour l’État
Puisqu’il faut réduire les dépenses de l’État, une solution rapide et efficace de trouver des économies serait la suppression de la généralisation du Service National Universel. Selon un rapport sénatorial de mars 2023, le coût du SNU pour chaque jeune serait de 2.187 euros. Soit, pour 2023 et avec seulement 64.000 jeunes qui participent, un coût de 140 millions d’euros.
« À terme, le service national universel est censé concerner l'ensemble d'une classe d'âge, c'est-à-dire 800 000 jeunes. Si l'on multiplie ce nombre par le coût par jeune prévu pour 2023, qui est de 2 187,5 euros, on obtient un coût total de 1,75 milliard d'euros. Les services de la secrétaire d'État chargée du service national universel ont affirmé devant le rapporteur spécial qu'ils parvenaient à un coût similaire dans leurs propres estimations », souligne le rapport. Une estimation basse, toutefois.
Le rapporteur Éric Jeansannetas, sénateur de la Creuse, précise : « le rapport des inspections générales remis au Premier ministre au printemps 2018, qui chiffrait le coût par an du SNU généralisé à l'ensemble d'une classe de 2,4 à 3,1 milliards d'euros par an, semble proche du coût réel qu'aura le SNU par an ». Ne pas le généraliser reviendrait donc à économiser autant de milliards. Ce qui, avec les sommes liées au rétablissement de l’ISF, permet d’atteindre déjà plus de 7 milliards.
L’uniforme à l’école va coûter très cher
Autre mesure en cours de déploiement : l’uniforme à l’école. Décriée par les professeurs, les élèves et les spécialistes, mais maintenue par le gouvernement, l’uniforme à l’école est en phase d’expérimentation. Le gouvernement a toutefois un objectif : la généralisation avant la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron.
Sauf que pour ne pas peser sur les ménages, l’uniforme sera payée par les finances publiques, à part égale entre l’État et les collectivités. Son coût ? Il reste théorique, mais devrait avoisiner 200 euros par kit. Et la généralisation porterait sur 10 millions d’élèves… chaque année. Soit un coût de 2 milliards d’euros. Si le gouvernement cherche à faire des économies, abandonner le projet paraît une idée à creuser.
Lutter sérieusement contre la fraude fiscale
Lutter contre la fraude fiscale des particuliers et, surtout, des entreprises, largement supérieure à la fraude sociale souvent évoquée par les élus, est une autre piste. Mais, évidemment, il faudrait y mettre les moyens.
Reste que, selon la Cour des Comptes, « contrairement à de nombreux pays, la France ne dispose d'aucune évaluation rigoureuse de la fraude fiscale, ni même de l'écart fiscal ». Elle demandait le 15 novembre 2023 à l’exécutif de chiffrer cette fraude, et avançait quelques chiffres. « Les seuls montants connus sont ceux des sommes réclamées par l'administration fiscale après contrôle, soit 14,61 milliards d'euros au total en 2022, répartis entre 11,95 milliards d'euros d'impôts éludés et 2,66 milliards d'euros de pénalités. »
Selon la Cour des Comptes, l’écart fiscal, soit la différence entre l'impôt devant être normalement payé et le montant réglé en réalité, est le plus élevé aux Etats-Unis et le plus bas en Estonie. Les Echos a transposé à la France les deux taux, trouvant ainsi une fourchette entre 7 et 27 milliards d’euros de manque à gagner pour l’État à cause de la seule fraude fiscale des particuliers.
Austérité : la fraude des entreprises n'est-elle pas une priorité ?
Quant à celle des entreprises, elle est beaucoup plus importante. L’observatoire des taxes européen EU Tax Observatory a publié son rapport en 2024. « L'évasion fiscale, y compris l'évasion dans la zone grise à la limite de la légalité, se produit de plus en plus au niveau national. Les milliardaires du monde entier ont des taux d'imposition effectifs allant de 0 à 0,5% de leur patrimoine, en raison de l'utilisation fréquente de sociétés-écrans pour échapper à l'impôt sur le revenu. À ce jour, aucune tentative sérieuse n'a été entreprise pour remédier à cette situation, ce qui risque de compromettre l'acceptabilité sociale des systèmes fiscaux existants », écrivent les auteurs.
D’ailleurs, Gabriel Attal, alors encore ministre des Comptes publics, a admis début 2023 que la France ne récupère pas les sommes fraudées, tentant de privilégier les accords amiables. « Les amendes récupérées ne représentent pas la totalité des sommes éludées et cette méthode de ‘négociation’ laisse entendre au commun des mortels que la loi fiscale ne s'applique pas de la même manière selon que vous êtes puissant ou misérable », soulignait le sénateur Eric Bocquet lors d’une audition. Résultat : en France, frauder rapporte de l’argent, car les sommes de la fraude ne sont pas récupérées en intégralité.
Réduire les aides aux entreprises afin qu’elles soient aussi touchées par l’austérité
Dernier point, sans doute le plus simple à mettre en place : une réduction des aides versées par la France aux entreprises. Selon Gérald Darmanin, alors ministre de l’Action et des Comptes publics, en 2018 les sommes versées aux entreprises par l’État atteignaient 140 milliards d’euros. Une somme en constante augmentation.
Selon un article de Maxime Combes, économiste d’Attac, publié sur le site LVSL en 2022, les aides aux entreprises sont passées de 65 milliards d’euros en 2006 à 110 milliards d’euros en 2013, soit quasiment deux fois plus. « En 2018, les aides aux entreprises représentaient l’équivalent de 5,6% du PIB, en augmentation de 215% sur un tout petit peu plus de 10 ans, soit une croissance annuelle moyenne de 7,2% par an. »