Extrait du livre de Fabrice Zerah, avec Laure de Charette : Tech ou Toc ? ChatGPT, Métavers, cryptomonnaies, NFT : les nouvelles technologies passées au crible, éditions l’Arpichel.
Il faut sensibiliser les Français aux enjeux de l’intelligence artificielle (extrait)
Sensibiliser rapidement les Français aux enjeux de l’intelligence artificielle
De nombreux Français ignorent à quel point l’IA a déjà pénétré nos vies et à quel point elle va encore les révolutionner. Pourtant, voilà bien un train qu’il ne faudra pas rater. Il faut donc sensibiliser le grand public aux enjeux de l’intelligence artificielle, à ses bienfaits ainsi qu’à ses dangers, ce qui, à mes yeux, n’est pas assez fait aujourd’hui. C’est l’un de mes objectifs avec ce livre. Les bouleversements qui se préparent seront tels que je m’étonne que l’on se préoccupe, en France, davantage de réformer les retraites que de repenser le travail à l’heure de l’IA... Et il ne faut pas perdre de temps car la vitesse avec laquelle nous adoptons l’IA n’a aucun équivalent. Sans marketing, il n’aura fallu que deux mois à l’IA pour atteindre cent millions d’utilisateurs dans le monde, versus cinq ans pour Gmail ou dix ans pour Netflix.
Une pause mais pas maintenant
Faire une pause dans le développement de l’IA comme l’ont demandé des centaines d’experts me semble à l’heure actuelle impossible. D’abord, il ne s’agit pas d’un État ou deux qui seraient en train de la mettre au point, comme ce fut le cas avec la bombe H, mais bien d’une galaxie d’équipes de développeurs basés dans différents pays du monde et parfois difficilement identifiables.
Ensuite, ceux qui demandent un arrêt des recherches et du développement de cette technologie pendant six mois ne sont pas cohérents car, de toute façon, il faudrait mettre le holà pendant au moins cinq ans si l’on voulait réellement ralentir la cadence. Certains des experts signataires font en outre preuve d’une grande hypocrisie. Je pense notamment à Elon Musk, qui signe la pétition et crée dans la foulée sa propre IA baptisée TruthGPT. Il est évidemment stratégique pour lui de maîtriser sa propre IA vu ses ambitions et les technologies de pointe qu’il développe, comme la voiture autonome et les navettes spatiales réutilisables. Si certains veulent voir dans sa demande de moratoire une prise de conscience salutaire, j’y vois plutôt une basse manœuvre pour rattraper son retard technologique. Après son retrait d’OpenAI en 2018, il a pris conscience que le bébé lui échappait au profit de Microsoft et qu’il aurait du mal à combler son retard. Son seul espoir était alors que ses concurrents lèvent le pied. Las, il va devoir mettre les bouchées triples.
Une pause n’est de toute façon pas souhaitable à mes yeux, car les bienfaits de l’IA dans notre quotidien sont pour l’heure trop nombreux. Pour autant, il est très heureux que, pour la première fois, une véritable réflexion entoure une nouvelle technologie, y compris aux États-Unis et au sein des GAFAM. J’ai beau être un entrepreneur de la tech, cette vigilance me paraît tout à fait bienvenue, car il faut à chaque fois tenter de trouver le juste milieu entre les vertus de l’innovation et les risques potentiellement liés à ses usages. L’IA doit être régulée, son développement encadré par nos législateurs.
Malgré tout, je pense qu’il faudra à un moment donné faire en effet une vraie pause de plusieurs années dans le développement de l’IA. Mais il faudra la faire au bon moment, c’est-à-dire avant que les capacités des robots ne dépassent celles des hommes. Cela se produira peut-être dans dix ans, peut-être bien avant. Ce jour arrivera lorsque l’IA quantique verra le jour. Je m’explique : lorsque l’ordinateur quantique sera capable de réaliser des calculs redoutablement rapides (jusqu’à 100.000 milliards de fois plus vite qu’un superordinateur), alors l’accélération de la vitesse d’apprentissage des algorithmes sera exponentielle. Inévitablement, le robot apprendra plus vite que l’homme et deviendra plus intelligent que lui. Il pourra donc, en théorie du moins, gérer le monde. Une IA pourrait prendre la tête d’une grosse entreprise du CAC 40, voire d’un État. Cela défie l’entendement humain, c’est effrayant. L’IA doit à tout prix rester un support et une aide pour l’homme, mais elle ne doit en aucun cas le remplacer. Elle peut aider un médecin, un PDG ou un chef d’État à prendre des décisions, mais ne devra en aucun cas les concurrencer. La loi de la robotique, formulée dans les années 1940 par l’écrivain de science-fiction Isaac Asimov, est toujours d’actualité : « Un robot ne pourra pas nuire à un être humain. » Je la modifierais : « Un robot ne devra pas nuire à un être humain.»