Permis de conduire : à quand la vraie révolution ?

Le permis de conduire est le premier examen de France devant le baccalauréat. Chaque année, il recense plus de 1,2 million de candidats¹ et représente un marché d’environ 2,2 milliards d’euros². Ce sésame est aujourd’hui jugé indispensable pour 86 % des jeunes de 18 à 26 ans³ car il conditionne leur avenir professionnel et social. Un enjeu de taille, alors que l’on constate un taux de réussite au premier passage à l’examen en baisse de 4 points entre 2020 et 2023.

Romain Durand Directeur Général Délegué Lepermislibre
Par Romain Durand Publié le 30 octobre 2023 à 7h30
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Permis de conduire : à quand la vraie révolution ? - © Economie Matin
1804 EUROSLe prix du permis de conduire est de 1.804 euros en moyenne en France.

2024 : année charnière qui sera le déclencheur d’une refonte de l’apprentissage du permis de conduire

Le monde de l’apprentissage du permis de conduire change, il est désormais porté par l’innovation, les nouveaux usages. Mais il est conditionné par de nouvelles contraintes économiques et réglementaires. Et son apprentissage reste à l’heure actuelle dispensé par un système qui finalement n’a pas évolué depuis des décennies. Alors comment penser révolutionner un secteur dont l’obsolescence a atteint son apogée et qui est tenu par des acteurs dont les intérêts économiques dépassent de loin celui de l’enseignement et des besoins des candidats ?

Nous ne parlons pas ici d’un marché de niche. Nous parlons ici de l’un des plus important en France, car crucial économiquement et socialement parlant. Il deviendra à partir de 2024 le passage obligatoire pour près de 2.5 millions de personnes. Les intérêts économiques et sociaux sont tels que l’enjeu devrait devenir d’utilité publique. Car il est trop facile de faire reposer la pression de la réussite uniquement sur les épaules des candidats alors que le dispositif qu’ils intègrent ne répond pas à leur besoin de performance.

Un gouvernement qui surfe sur de bonnes intentions ?

Pour pallier les difficultés que rencontrent les candidats depuis ces dernières années, le gouvernement s’est emparé du sujet : abaissement de l’âge d’obtention, instauration d’une plateforme digitale qui facilite la prise de rendez-vous, réexamen du code de la route, mise en place d’aides financières … l’intention est louable mais nombre de ces mesures entraîneront des conséquences inverse à l’effet bénéfique recherché, avec à la clé des hausses tarifaires inévitables.

Si les acteurs du secteur des auto-écoles se sont mobilisés pour accompagner la décision du gouvernement en essayant, au maximum, de dialoguer, on ne peut se reposer exclusivement sur des modifications des dispositifs réglementaires. Le permis de conduire, diplôme centenaire, n’a in fine que peu évolué au fil des décennies. et le dernier gros bouleversement a eu lieu en 2014, avec la digitalisation et la modernisation du secteur, avec l’arrivée des auto-écoles en ligne.

Ajustements, réglages, légères corrections … la vraie révolution est à venir pour le sésame aux 12 points ! Nous sommes en France que diable : pourquoi bouleverser quelque chose qui fonctionne à peu près ? Pourtant les usages évoluent ainsi que la technologie, les candidats veulent de la nouveauté mais ils sont vite rattrapés par une certaine opacité … et par la réalité.

Les jeunes candidats au permis de conduire : une population variable ajustable ?

La situation des jeunes candidats au code et permis de conduire est alarmante : en France, les 18 – 24 ans restent les plus touchés par la pauvreté monétaire : 25 % de cette population vit en dessous de 12 090 €, le taux de pauvreté étant accru pour les étudiants (55 %)4. Revenons sur le coût du permis de conduire en France : 1800 € soit environ 15 % du revenu moyen annuel d’un candidat cible. De ce simple constat naît un paradoxe : sous couvert de favoriser l’accessibilité et l’égalité, les pouvoirs publics n’aggravent-ils pas potentiellement le niveau de vie d’un tiers des autres jeunes candidats et de leurs parents, pour la plupart financeurs et dont le pouvoir d’achat est en tension ? Car, face aux tarifs pratiqués par les auto-écoles, et bien entendu revus à la hausse en fonction des heures qui s’accumulent dans l’attente de pouvoir passer l’examen, il n’est pas étonnant de constater que 84% des parents payent le permis à leurs enfants5.

Une question se pose cependant : plutôt que de multiplier les nouvelles mesures, pourquoi ne pas favoriser une amélioration à l’existant ? Pour contrer leurs effets pervers, il semble indispensable d’accélérer la mise en place de moyens concrets tels que l’augmentation du nombre d’inspecteurs, à ce jour trop peu nombreux pour absorber les 1,2 millions de passages annuels des candidats actuels. A cela ajoutons - 4 points sur le taux de réussite, soit 60 000 candidats supplémentaires et l’afflux massif prochain des 870 000 candidats ayant 17 ans6 et nous obtenons un engorgement inévitable. Et une bonne dose d’angoisse supplémentaire dont les candidats au permis de conduire pourraient se passer.

Les vannes sont ouvertes mais face à l’affluence prochaine, aucune solution connue n’a pour le moment été mise en place par les pouvoirs publics pour accompagner dans la durée les candidats.

De là où naît la responsabilité des acteurs économiques

 Depuis leur création au début du 20ème siècle, les auto-écoles ont pour vocation d’accompagner, enseigner, rassurer, donner confiance et anticiper les besoins de tous les candidats qui se présentent chaque année. Et leur donner à tous la même égalité des chances face à l’examen qui les attend car en cas d’échec répété, l’addition est salée. Si 20h de conduite sont requises pour pouvoir se présenter, les candidats sont en réalité plus autour de 30h à 35h de conduite, et la situation ne devrait pas s’améliorer. Et de 1800 euros de budget nous franchissons le plus souvent la barre des 2000 euros. Une limite tarifaire qu’il est du devoir des acteurs économiques de ne pas franchir car, dans un monde parfait, le désarroi des uns ne devrait en aucun cas devenir la machine à cash de certains.

Revenons à la mission des acteurs du privé : n’est-elle pas finalement assimilable d’une certaine façon à celle de l’école et des enseignants ? l’analogie est pertinente car le rôle de l’enseignant est crucial dans la formation de l’élève, dans les deux cas ! Pédagogues, adaptables, rigoureux, ils sont ceux sur lesquels tout repose, ils ne sont pas là juste pour comprendre point de patinage, angle mort et stationnement en épi. Professionnels diplômés, ils savent enseigner et s’adaptent à toutes les situations et à tous les profils. Leur mission est de conduire leurs élèves vers la réussite et surtout leur donner confiance en eux, leur ouvrir des perspectives et ce dans les délais prévus. Tout comme la finalité de l’obtention du permis de conduire finalement ! Et pour mener à bien leur mission, l’accompagnement est clé et devrait être placé au centre de la préparation à l’examen : le rythme de formation, la capacité à s’inscrire dans un cycle d’apprentissage sur des délais ramassés est une des clés de l’apprentissage efficace et rapide qui permettrait d’éviter tout dépassement budgétaire.

Garantir un nombre d’heures, revoir la pédagogie, instaurer un bouclier tarifaire, interdire les dépassement, conditionner la réussite à celle des auto-écoles, assurer une continuité dans l’accompagnement pour aider à la conservation, devoir d’assiduité. Candidats, acteurs publics et privés, chacun doit prendre ses responsabilités tout en gardant en finalité les intérêts qui sont propres … mais mesurés et encadrés. De là viendra la vraie révolution du permis de conduire.

¹ Étude de l’observatoire des métiers des services de l’automobile, Autofocus n°97, juillet 2022

² Étude Xerfi « Les auto-écoles », septembre 2021

³ Etude Harris Interactive pour Institut Montaigne, mai 2022

4 DREES, février 2023

5 INSEE

INSEE

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