Dans le contexte inflationniste actuel, la question du salaire cristallise les débats et les revendications. Naturellement, leur réévaluation à la hausse apporterait une réponse bienvenue et acceptée de tous. Mais la réalité est toute autre.
Pour agir sur le pouvoir d’achat, libérons les règles du salaire
Bien que les politiques salariales soient revenues au cœur des enjeux RH, les entreprises font face à une équation complexe. D’un côté, une nécessaire maîtrise des coûts et de la masse salariale. De l’autre, le besoin de faire rayonner sa marque employeur pour attirer les talents.
Cependant, faire évoluer sa politique salariale peut prendre de multiples formes. A commencer par la question de la temporalité. De même que le travail à distance s’est progressivement établit offrant plus de liberté aux salariés, pourquoi les règles de versement du salaire devraient restées figées ?
Face à une conjonction d’enjeux macroéconomiques et d’attentes fortes quant à la qualité de vie au travail et de volonté de liberté, une approche flexible et individualisée du salaire à toute sa place.
Salaire : la mensualisation ne convient pas à tout le monde
C’est dans les années 70 que la mensualisation des salaires se généralise en France. Ouvriers et salariés seront désormais payés en fin de mois. La réforme qui l’accompagne est saluée comme une avancée sociale car elle assure entre autres : un calcul de rémunération identique sur la base d’une durée légale, le maintien du salaire en cas de maladie ou d’accident, le paiement des jours fériés chômés (sous conditions) et un délai légal de préavis ainsi qu’une indemnité en cas de licenciement.
Près d’un demi-siècle plus tard, cette règle temporelle n’a absolument pas évolué. Or, dans le même intervalle, de nombreuses dépenses récurrentes sont apparues en cours de mois. Ainsi, le paiement des charges se fait en amont et la perception du salaire en aval des heures effectuées. A ce décalage s’ajoutent les dépenses imprévues (consultation médicale, entretien automobile, sinistre…) accentuant la pression budgétaire sur la fin de mois.
Les conséquences de ce décalage sont loin d’être anodines : près de 25% des français sont dans le rouge chaque mois, générant chaque année 7 Md€ de frais de découvert au bénéfice des banques (1).
Pour faire coïncider le temps des dépenses et des rémunérations, le code du travail autorise l’acompte sur salaire. Il est d’ailleurs décrit comme un droit du salarié. Dans les faits, celui-ci est très peu utilisé, comme en témoigne les 45% de salariés qui n’osent pas le demander (2) et préfère se tourner vers des options de crédit. Les services RH eux-mêmes ne sont pas friands du procédé, le processus d’octroi entraînant beaucoup de paperasserie et un circuit de validation complexe et chronophage, évalué à environ 30 minutes par demande.
Mais au-delà de la contrainte technique, l’acompte et ses bénéfices envers l’employé sont bien souvent oubliés… C’est oublier avec lui l’impact désastreux du stress financier en entreprise.
Acompte sur salaire : mon salaire « on-demand »
Ce n’est pas une surprise, la rémunération est le premier élément d’attractivité en entreprise pour 60% des Français (3). Ce qui l’est davantage, c’est que 50% des collaborateurs passent 5 heures par mois à s’inquiéter de leurs difficultés financières, sur le lieu de travail (4).
On imagine aisément les conséquences sur la productivité, l’engagement et la qualité de vie ressentie au travail. 65% des actifs français sont stressés par leur situation financière (5).
Alors que peuvent faire les équipes RH ? Avant tout, considérer l’acompte sur salaire comme un véritable avantage salarial et oser briser cette temporalité mensuelle.
Dans cette exploration des possibles, on parle de versement du salaire à la demande, autrement dit, la version évoluée et digitalisée de l’acompte. L’idée est de fluidifier le système de rémunération, le rendre plus agile et permettre de synchroniser lorsque cela est nécessaire le versement du salaire avec une dépense importante ou imprévue.
En effet, il est tout à fait possible d’imaginer le déblocage en cours de mois d’une fraction de la rémunération acquise, en fonction des heures travaillées. Si le processus est fluide et rapide, il améliorera la marque employeur dans son ensemble, permettra aux salariés qui le souhaitent/en ont besoin de réduire leur stress et l’impact des imprévus financiers, adaptera l’entreprise aux spécificités de certains profils et à la flexibilité nécessaire dans certains secteurs (CHR, interim, freelances, profils anglo-saxons habitués à cette fréquence de rémunération…)
En aucun cas il ne s’agit de remettre en cause le principe général de mensualisation qui apporte sans aucun doute de la sécurité, de l’anticipation et de la visibilité à des millions de salariés. En revanche, offrir plus de choix et de liberté dans l’usage de son salaire et par extension dans la gestion de ses finances personnelles est un élément à part entière d’une politique RH attractive.
Il n’est pas question non plus de tromper les salariés. Adopter une solution de salaire à la demande ne signifie pas augmenter le pouvoir d’achat de ses salariés. Mais c’est un grand pas en avant vers une meilleure résilience financière et un véritable marqueur d’attractivité et de reconnaissance envers l’entreprise.
A l’approche des NAO (Négociations Annuelles Obligatoires), dont les discussions débutent pour certaines en septembre, il semble judicieux pour les professionnels des ressources humaines d’explorer d’autres leviers de la politique salariale. Car on ne mesure pas la capacité d’une entreprise à offrir du sur-mesure, de l’agilité et de la liberté uniquement à travers les règles de télétravail.
- UFC Que Choisir
- Hastee
- Randstad employer brand research (12ème édition)
- Mercer
- Mercer