Le consommateur américain reste aux commandes de l’économie mondiale

Encouragé par l’épargne excédentaire accumulée durant la pandémie et des salaires qui augmentent plus vite que l’inflation, le consommateur américain a continué à dépenser. En cette fin d’été américain, les indicateurs macroéconomiques et les témoignages des entreprises indiquent que cette tendance se poursuit. Alors que la Chine et la zone euro ralentissent, nous examinons de plus près la surprenante résilience du consommateur américain, dont dépend la prospérité de l’économie mondiale.

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Par Samy Chaar Publié le 18 septembre 2023 à 5h00
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Le consommateur américain reste aux commandes de l’économie mondiale - © Economie Matin
3,8%Le chômage a augmenté à 3,8% en juillet 2023 aux USA.

Si les États-Unis sont le moteur de l'économie mondiale, c'est le consommateur américain qui est aux commandes. En cette période de rentrée des classes, traditionnellement consacrée aux rabais et autres promotions, les entreprises fournissant des biens de consommation de base se disent confiantes pour les trimestres à venir. Lors d'une conférence qui s'est tenue à Boston début septembre, certaines entreprises ont indiqué que les dépenses ralentissaient, mais qu'elles restaient résilientes, soutenues par une croissance des salaires qui dépasse toujours l'inflation. La question est de savoir combien de temps durera cette résilience.

Cette question compte, car le consommateur américain joue un rôle clé, tant pour l'économie américaine que pour l'économie mondiale. Les États-Unis représentent à peu près un quart de la production mondiale tandis que, selon les estimations, 70% du produit intérieur brut (PIB) américain est constitué de dépenses de consommation. Qu’est-ce qui explique cette résilience ? Trois facteurs macroéconomiques ont soutenu les dépenses américaines depuis la pandémie : l’épargne excédentaire et la tendance à puiser dans ces réserves pour les dépenses de consommation, un marché du travail solide et des salaires qui ont, pour le moment, accéléré plus vite que l'inflation.

Ces facteurs sont désormais sous pression. Le taux d'épargne des particuliers en pourcentage du revenu disponible est tombé à 3,5% en juillet, son niveau le plus bas depuis 2008, contre 4,7% en mai. L’épargne excédentaire accumulée durant le Covid semble désormais plus ou moins épuisée et les revenus corrigés de l’inflation ont ralenti. En outre, les dernières données concernant les cartes de crédit indiquent une hausse du taux des prêts impayés. L'économie américaine a également créé 187 000 nouveaux emplois en juillet, ce qui représente une légère amélioration par rapport au mois de juin, mais est aussi le chiffre le plus bas depuis décembre 2020, lors des fortes perturbations liées à la pandémie. Pour remettre cette situation en contexte, sur une moyenne de trois mois, la croissance des salaires est désormais inférieure au rythme moyen de 2019, et le chômage a augmenté à 3,8% en juillet, s’établissant à un sommet depuis 18 mois, ce qui ajoute à la pression sur les dépenses.

Retour en 2019

Une partie de cette faiblesse pourrait s’avérer transitoire, et refléter des facteurs tels que la grève des acteurs d'Hollywood ou le licenciement de 34 000 camionneurs et employés suite à la faillite de Yellow Corp. Il n'en demeure pas moins que le recul de la croissance de l'emploi s'étend bien au-delà de ces secteurs. Alors que le marché de l'emploi américain repose sur des bases solides, la demande de travailleurs diminue au moment où le nombre de personnes entrant sur le marché du travail augmente. C'est l'un des facteurs qui permet à l'inflation de poursuivre sa décrue et qui prouve que le marché du travail américain revient à ses normes de 2019.

Cela conforte nos prévisions selon lesquelles la Réserve fédérale poursuivra sa stratégie de taux « plafond et plateau », en marquant une pause le 20 septembre, puis en maintenant son taux directeur inchangé au moins jusqu'au premier semestre 2024. Actuellement, la politique monétaire dépend étroitement des dépenses de consommation et de leur impact sur l'inflation.

La résilience des consommateurs américains a surpris les investisseurs et, jusqu'à présent, tout changement dans les habitudes de consommation semble progressif. Selon la Fédération nationale du commerce de détail (NRF), les ventes au détail ont augmenté de 3,1% au deuxième trimestre comparativement à l'année précédente. Les chiffres relatifs à la consommation sont restés robustes en juillet, légèrement soutenus par l’augmentation de la consommation d'énergie, la vague de chaleur ayant stimulé la demande de climatisation.

Des marges solides pour les biens de consommation de base

À leur niveau, les entreprises n'ont pas signalé de changement soudain dans la demande des consommateurs pour les biens de consommation de base, tels que l’alimentation, les boissons non alcoolisées et alcoolisées, les cosmétiques et les produits ménagers au cours du deuxième trimestre 2023. En réalité, elles ont souvent fait état d'une croissance à deux chiffres de leur chiffre d'affaires, grâce à l’augmentation des prix, les volumes ayant légèrement baissé. Dans l'ensemble, nous estimons que les marges des entreprises du secteur des biens de consommation de base commenceront à se redresser au second semestre 2023 grâce à leur apparente capacité à répercuter la hausse des prix, à l'amélioration des gammes de produits et à la réduction de l'impact des prix élevés des matières premières sur leurs coûts.

On observe toutefois des signes de ralentissement. Certaines entreprises ont déclaré que les ventes retrouvaient un schéma plus normal après la frénésie d'achat post-Covid. Ce phénomène est visible jusque dans le segment des produits de luxe sur le marché des biens de consommation discrétionnaire. Toutefois, de nombreuses entreprises américaines restent persuadées que même si le volume des ventes recule, les marges devraient rester solides, voire augmenter, compensées par les hausses de prix continues que les consommateurs semblent prêts à accepter.

À court terme, les promotions et le déstockage pendant la période de rentrée scolaire maintiennent également les dépenses à des niveaux élevés. En octobre, la reprise des remboursements des prêts étudiants pourrait assombrir le tableau. On estime à 46 millions le nombre d'étudiants qui détiennent ces prêts aux États-Unis, avec des remboursements qui s'élèvent à quelque 217 milliards USD par an. Cela pourrait réduire la croissance des dépenses d'ici fin 2023, en retranchant potentiellement jusqu'à 0,2% de la croissance du PIB réel des États-Unis au cours du dernier trimestre de 2023.

Compte tenu de la résilience du consommateur américain, nous conservons nos expositions au secteur. La sélectivité est toutefois de mise, car il existe des signes précurseurs de faiblesse, en particulier chez les consommateurs à bas revenus, et parmi les dépenses financées par le crédit et les achats discrétionnaires. Nous continuons à privilégier les biens de consommation de base en raison d’un fort pouvoir de fixation des prix, d'un potentiel de redressement des marges et de valorisations attractives. La capacité bénéficiaire de ces entreprises leur confère des qualités défensives recherchées en période de ralentissement conjoncturel.

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Chef économiste, Lombard Odier

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