Energies renouvelables : quand les promesses se heurtent à la réalité

Le rôle de l’investisseur est d’identifier un marché en croissance durable, comprendre les moteurs de cette croissance et s’assurer que tout est fait pour concrétiser les promesses initiales.

Collaborateur Bdl, Le 25 Novembre 2019 Au Siège 20 Rue Du Rocher à Paris
Par Laurent Chaudeurge Publié le 24 juillet 2023 à 5h30
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Energies renouvelables : quand les promesses se heurtent à la réalité - © Economie Matin
1000 MILLIARDS $Pour la transition énergétique, il faut 1.000 milliards de dollars d'investissements.

Le secteur des énergies renouvelables est le parfait exemple d’un marché en forte croissance sur de nombreuses années. Le moteur principal de cette dynamique est la lutte contre le réchauffement climatique qui impose d’arrêter de brûler des énergies fossiles et de les remplacer par les énergies solaires et éoliennes. Grâce à des coûts qui n’ont cessé de baisser depuis 15 ans, ces dernières sont devenues très abordables et leur croissance est exponentielle. Ce besoin en énergies renouvelables durera de nombreuses années car il s’agit non seulement de remplacer l’intégralité du système énergétique mondial mais aussi d’accroître ses capacités pour satisfaire une demande qui ne cesse d’augmenter.

Non seulement les perspectives de croissance sont bien identifiées mais tout semble être fait pour y parvenir. En 2022, avec l’IRA (Inflation Reduction Act) aux Etats-Unis et son équivalent en Europe, les gouvernements n’ont jamais mis autant d’argent sur la table pour accélérer cette transition énergétique. Investir dans les exploitants de champs éoliens et solaires ainsi que dans les fabricants d’éoliennes et de panneaux solaires semble donc représenter l’opportunité d’une génération.

Mais l’investisseur averti prend en compte l’ensemble de la chaîne de valeur de l’industrie qu’il analyse. Dans le cas présent, la disponibilité du réseau électrique est une condition nécessaire à la mise en production de tous ces projets d’énergies renouvelables. Cette contrainte physique est souvent minimisée voire négligée. C’est pourtant ce réseau électrique qui risque d’être la source de grandes déceptions pour les investisseurs attirés par les promesses de croissance exponentielle des énergies renouvelables.

Dans les pays développés, les réseaux électriques datent pour la plupart des années 50 et ont été construits pour transmette l’électricité à partir de quelques grandes centrales de génération. Or un réseau moderne doit pouvoir connecter de multiples endroits, éparpillés partout où sont installés des champs d’éoliennes ou de panneaux solaires. Il doit aussi pouvoir transporter plus d’électricité car la transition passe par l’électrification des usages comme l’illustre le passage à la voiture électrique.

Les besoins en investissement pour agrandir et moderniser nos réseaux sont à la fois gigantesques et ont en même temps peu de chance d’intervenir rapidement. BloombergNEF estime qu’il faut 80 millions de kilomètres en plus de réseau d’ici 2050, plus que pour remplacer l’intégralité du réseau mondial actuel. Pourtant, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) indique qu’au niveau mondial, les investissements dans les réseaux ont baissé entre 2017 et 2020 avant de légèrement remonter à $330 milliards par an en 2022. D’après certaines estimations, il faudrait investir $530 milliards par an d’ici 2030 pour rester aligné avec un scénario 1,5°C.

Pour comprendre cet écart entre l’offre et la demande, il faut revenir à la gouvernance historique des investissements dans les réseaux. Sur les 50 derniers années, ces réseaux ont en général été détenus par des gouvernements ou par des opérateurs privés dont les investissements étaient contrôlés et rémunérés par les gouvernements. La gestion de ces réseaux avait deux objectifs : assurer une électricité stable et sécurisée et réduire au maximum les coûts supplémentaires pour les particuliers. Ces deux objectifs ont été remplis et les coûts du réseau sont une faible partie de la facture d’électricité. Mais comme cette gouvernance n'offrait pas de motivation financière pour investir de manière stratégique, la plupart des investissements n’ont porté que sur des améliorations et des extensions ponctuelles des réseaux.

Même à supposer que les régulateurs changent rapidement les mécanismes d’incitation, il n’y a pas de solution rapide à l’agrandissement et à la modernisation des réseaux car cela peut changer leurs propriétés et donc leur stabilité. De plus, il y a des pénuries de main d’œuvre pour accompagner tous les déploiements qui seraient nécessaires. Cette situation est déjà en train de ralentir la mise en place des projets d’énergies renouvelables. En Angleterre par exemple, certains projets ne seront pas connectés au réseau avant 2030-2035. On observe la même situation aux Etats-Unis.

L’enthousiasme pour la croissance des fabricants et des exploitants d’énergies renouvelables repose donc sur des promesses qui pourraient décevoir ou être décalées dans le temps. Ce sont les acteurs de réseaux qui conditionnent désormais le succès de la transition énergétique. Leur croissance est inévitable, elle sera plus lente mais aussi plus consistante, et les attentes sont plus raisonnables, une autre source d’opportunités pour l’investisseur ?

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Collaborateur Bdl, Le 25 Novembre 2019 Au Siège 20 Rue Du Rocher à Paris

Porte-Parole de la Gestion de BDL Capital Management

3 commentaires on «Energies renouvelables : quand les promesses se heurtent à la réalité»

  • La technique a ses limites qui, il est vrai, reculent au fur et à mesure de nouvelles « découvertes »…
    Dans le cas spécifique de la connection de générateurs d’électricité dite renouvelable, les perturbations générées sur le réseaux semblent oubliées:
    -Diminution de la puissance de court circuit
    -Distortion harmonique
    -etc
    Comment, dans le cadre d’une politique de réindustrialisation et de décarbonisation, faire face à ces problèmes?
    Voilà tout l’enjeu des années à venir.

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  • L’article pose une question intéressante, mais la lutte dans le réchauffement climatique ne se limite pas à remplacer des centrales fossiles -pilotables, par des éoliennes et des panneaux solaires intermittents.

    L’Espagne a construit pour 20 MW d’éoliennes, elle a du dans le même temps construire 15MW de centrales à gaz pour compenser les creux de production.

    Se concentrer exclusivement sur les éoliennes et les panneaux solaires est une erreur. Il y a bien d’autres énergies renouvelables (ou quasi renouvelables), comme la Biomasse, l’hydraulique et le nucléaire.
    Le retour sur investissement économique est seulement l’un des nombreux facteurs à prendre en compte. La quantité de matériaux et d’énergie nécessaires à la construction des générateurs, par rapport à l’énergie produite tout au long de leur vie est tout autant, voire plus importante. Or ces critères jouent en défaveur de l’éolien et du solaire, surtout en tenant compte des moyens de stockage d’électricité.

    Pire même, implanter du solaire en France augmente le bilan carbone de l’électricité française, déjà largement décarbonée grâce à l’hydroélectricité et le nucléaire.

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  • L’auteur oublie que cette extention nécessaire du réseau existe déjà ! Et oui, ce qui est nouveau c’est la production atomisée mais la consommationn l’était déjà et son réseau de distribution existe ce n’est plus de RTE qu’il s’agit mais D’ENEDIS et son réseau est fait pour véhiculer de faibles puissances ce qui est le cas des parcs de ppv et eolien qui n’ont rien à voir avec les portes puissances issues des centrales nucléaires.

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