Le pédologue français Dr Antonio Bispo s’est donné pour mission d’accroître le stockage du carbone dans les sols agricoles, avec l’aide d’un financement de l’Union européenne et de 22 partenaires issus de 17 pays de tous les continents.
En mission pour stocker du carbone dans les sols
Sans les sols, il n’y aurait pas de vie sur Terre
Dans le cadre du projet CIRCASA, Antonio Bispo et ses collègues ont élaboré une méthodologie de mesure du carbone organique des sols, afin que les agriculteurs puissent ensuite adopter des approches sur mesure qui permettront d’accroître la quantité de carbone dans les sols et ainsi d’améliorer la santé de ces derniers.
Il est crucial de préserver la santé des sols car ils renferment les éléments nutritifs dont l’homme dépend et que nous absorbons par le biais des cultures vivrières. L’agriculture intensive, l’utilisation excessive de produits agrochimiques, la présence d’autres contaminants, l’érosion et le changement climatique posent autant de menaces à l’intégrité et à la qualité de nos sols, dont les conséquences à long terme ne sont pas encore pleinement comprises. Nous savons toutefois qu’un seul orage suffit à entraîner la perte d’un centimètre de sol, dont la formation peut prendre des centaines d’années.
Fixer des normes pour les sols
Le carbone est un élément naturel. Il s’agit du quatrième élément le plus abondant dans l’univers en termes de masse après l’hydrogène, l’hélium et l’oxygène. Alors que nous cherchons à limiter sa présence dans l’atmosphère afin d’atténuer le réchauffement de la planète, ajouté au sol, il permet d’en améliorer la structure, la biodiversité et la fertilité. Comment fonctionne exactement le processus de séquestration ou de capture du carbone ? Explications d’Antonio Bispo :
« Les terres agricoles peuvent faire office de puits de carbone en séquestrant le dioxyde de carbone. Au cours de la photosynthèse, les cultures absorbent le dioxyde de carbone de l’atmosphère et créent de la biomasse. Lorsque les plantes meurent, le carbone pénètre dans les sols : une partie est alors utilisée par les organismes du sol, tandis que l’autre s’accumule, c’est ce que l’on appelle le processus de séquestration du carbone dans les sols. »
Antonio Bispo faisait partie d’un consortium international rassemblant des chercheurs originaires d’Allemagne, de France, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, mais aussi de contrées plus lointaines comme l’Australie, le Brésil, la Chine, les États-Unis et Madagascar. Cet effort de recherche a été coordonné par son collègue Dr Jean-François Soussana, maître de recherches établi à Paris, qui a présenté des normes en matière de surveillance du carbone des sols aux spécialistes de renommée mondiale du carbone des sols.
« Le sol est un énorme réservoir de carbone organique », explique Jean-François Soussana. « Son stockage dans les sols agricoles contribue à l’élimination du dioxyde de carbone de l’atmosphère, à l’amélioration de la santé des sols et à la résilience de l’agriculture face au changement climatique. »
Jean-François Soussana explique que cette recherche « a permis de cartographier pour la première fois à l’échelle mondiale l’évolution actuelle des stocks de carbone organique dans les terres cultivées et les sols des prairies. Nous avons déterminé le potentiel d’un stockage de carbone accru ainsi que la manière de surveiller ce stockage de carbone dans les sols en ayant recours à une combinaison unique d’outils de télédétection, de données et de modèles étalonnés. »
La recherche et l’innovation de l’UE mettent en contact les citoyens aux niveaux local et mondial afin de traduire les résultats de la recherche en solutions qui nous profitent à tous.
Récolter ce que l’on sème
Les agriculteurs sont les ultimes protecteurs des sols, et l’application de techniques de stockage du carbone n’est qu’un moyen parmi tant d’autres d’assurer la protection des sols à long terme. Le consortium a interrogé 4 000 agriculteurs dans dix régions du monde dans le cadre de l’initiative, qui cherchait à répondre à trois grandes questions posées par les agriculteurs : comment seraient-ils payés pour accroître la quantité de carbone, comment acquérir de meilleures connaissances sur l’augmentation du carbone dans le sol et comment trouver une méthode simple, bon marché et précise de surveillance du carbone dans les sols.
« La plupart des agriculteurs sont de bons observateurs de leur sol », poursuit Jean-François Soussana. « Ils aimeraient améliorer la gestion des sols et savent que la matière organique favorise la santé des sols. Cependant, nombre d’entre eux n’ont pas connaissance du cycle du carbone et des changements pouvant avoir lieu dans les stocks de carbone de leurs sols. Cette lacune dans les connaissances est l’un des facteurs responsables de la lenteur de l’adoption de meilleures pratiques telles que les cultures de couverture, les prairies temporaires et la réduction du travail du sol. »
Jean-François Soussana estime que les techniques de télédétection utilisées dans le cadre de ces recherches, qui utilisent les satellites Sentinel, pourraient devenir la norme au niveau mondial. Celles-ci permettent d’estimer la couverture végétale, le volume de carbone organique ainsi que le potentiel de stockage du carbone de chaque exploitation et de chaque champ de l’UE, voire du monde entier.
L’ambition à long terme est bien entendu de transformer chaque agriculteur de la planète en une sorte d’«agriculteur du carbone». Une meilleure santé des sols améliorera la productivité agricole, ce qui permettra aux citoyens d’en récolter les fruits sous la forme d’une meilleure alimentation.
« L’augmentation du carbone dans les sols est une solution gagnant-gagnant », fait remarquer Antonio Bispo.
« On améliore les sols tout en atténuant le changement climatique ».
La recherche et l’innovation jouent un rôle décisif dans le développement et l’amélioration des connaissances, des pratiques et des innovations qui contribueront à la transition vers des systèmes agricoles et des communautés rurales plus durables.
La science, la recherche et l’innovation : nos principaux alliés
Ces recherches s’inscrivent dans le cadre des efforts de l’UE visant à découvrir de nouveaux moyens de se prémunir face au changement climatique, de protéger nos océans et nos eaux et de lutter contre le cancer. S’ils conjuguent leurs forces, les pays de l’UE peuvent travailler plus efficacement en ce sens qu’ils peuvent mettre en commun les financements et l’expertise émanant du monde entier, coordonner des efforts internationaux et mettre à profit le savoir-faire local.
Les nouvelles connaissances et les innovations révolutionnaires accélèrent notre progression vers un monde durable et prospère. Les investissements de l’UE permettent aux collaborations internationales en matière de recherche de relever des défis trop grands pour être relevés par un seul pays.
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Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.