Les débats autour de l’interdiction à la vente des véhicules thermiques neufs d’ici 2035 continuent d’agiter les instances européennes.
Mobilité verte : avec quelle énergie et à quel prix ?
Malgré un vote du parlement européen en faveur de ce projet en juin dernier, l’Allemagne a refusé début mars 2023, et ce contre toute attente de signer le texte, mettant en avant des délais intenables pour mettre son industrie aux normes. Le Président Emmanuel Macron, ainsi que le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Lemaire, ont réaffirmé l’intérêt de la France à poursuivre sur la voie des véhicules électriques, avec la volonté d’en produire plus de 2 millions d’ici à 2030. Le message est clair et l’accent est mis sur les énergies vertes. Est-ce réalisable ? Ou cette aspiration doit-elle être réajustée ?
De l’ambition à la réalité
Le débat sur la mobilité divise les camps. D’un côté, certains territoires font le choix d’orienter leurs stratégies vers les mobilités douces, en favorisant le passage au vélo ou l’aménagement de zones sans véhicules considérés comme polluants. De l’autre, malgré des chiffres français au-dessus de la moyenne européenne sur l’usage des véhicules électriques (la voiture électrique représentant actuellement 13 % des immatriculations), les motorisations thermiques dominent encore largement le parc automobile français.
Comment orienter l’acquisition de véhicules dits propres à l’ensemble de la population française en seulement 12 ans ? Si cette ambition de l’UE est limpide, Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur, a tout de même voulu relativiser sur ce délai, en demandant une certaine flexibilité quant à cette date butoir. Toujours à l’échelle européenne, l’Allemagne a indiqué qu’elle ne serait pas prête à arrêter sa production de véhicules thermiques d’ici 2035. En France, les récentes réticences des collectivités à appliquer les restrictions sur les zones ZFE au sein de leurs villes, arguant une mesure discriminatoire à l’égard des foyers modestes, s’ajoutent aux freins à la réalisation de ce projet, au risque de faire disparaître un avantage concret au changement de véhicule.
Les réalités se heurtent donc aux velléités du gouvernement : avons-nous la capacité de passer à une offre 100% électrique sur l’ensemble des mobilités en Europe ? Et si oui, quelles sources d’énergie pour y arriver ?
Une mise en place périlleuse mais pas impossible
Les véhicules électriques sont indissociables des problématiques énergétiques inhérentes, et particulièrement sur la production de l’électricité nécessaire au chargement des batteries. Les débats entre pro et anti nucléaires, ou les cours instables du gaz naturel risquent également de se confronter à cette volonté européenne de décarbonation, puisqu’il existe un risque de simplement déplacer le problème des émissions des véhicules thermiques vers la production d’énergies polluantes pour alimenter des véhicules électriques.
De plus, un nombre croissant de voix s’élèvent sur la place des véhicules 100% électriques au sein des mobilités vertes : les imports restent encore dominants tant la production à l’échelle locale est complexe, les matériaux utilisés pour la fabrication sont bien souvent eux-mêmes extrêmement polluants avec la production des batteries et son recyclage qui posent de grands problèmes environnementaux. Autre point important dans une conduite de changement à l’échelle nationale : le prix d’un véhicule électrique reste très onéreux (plus de 16 000 euros en entrée de gamme, lorsqu’un véhicule thermique neuf d’entrée de gamme coûte 10 000 €). Est-ce que les aides actuelles de l’état peuvent suffire à encourager les Français à changer de véhicules dans la décennie à venir ? On parle tout de même de plus de 60 % du parc automobile à changer… Les mesures écologiques sont régulièrement jugées comme punitives envers les plus modestes n’ayant pas les moyens de s’équiper pour échapper aux sanctions.
Enfin, la densification du réseau doit s’accompagner d’une accessibilité simplifiée aux points de recharge électrique, et ce indépendamment de l’application ou du service utilisé par les automobilistes, qui auront par là-même accès à un plus grand parc de points de recharge avec leur interface préférée. Un réseau interconnecté et compatible avec les interfaces principales pour la recharge favorisera l’adoption de ce nouveau mode de mobilité et une itinérance plus sereine. Dans ce contexte, sera-t-il vraiment possible d’équiper le territoire en bornes de recharge en une décennie ?
Et les Français dans tout ça ?
L’électrification du parc automobile français semble donc actée sur un plan politique. Cependant, l’ampleur de cette transition, qui implique tout de même quelques 40 millions de véhicules, nécessite de recentrer la réflexion sur l’objectif final : la réduction globale des émissions carbone au plan national. En effet, se limiter seulement aux émissions des véhicules eux-mêmes peut être trompeur si on ne prend pas en compte l’ensemble de la chaîne. Au-delà des velléités politiques, les véhicules électriques représentent des défis industriels, puisqu’ils impliquent de repenser les chaînes de production de bout en bout, énergétiques, la production d’électricité se devant de ne pas émettre de carbone, et structurelle, car il faut repenser des territoires historiquement conçus autour des véhicules thermiques.
Un autre indicateur et non des moindres, une majorité de Français ne souhaite pas remplacer leurs véhicules thermiques pour des modèles plus verts, non pas par opposition de principe, mais en soutenant des arguments à entendre : questionnements sur le bien-fondé de telles mesures sur l’impact écologique, coûts inadaptés à la situation économique actuelle. Tant d’arguments à considérer pour ne pas opposer à nouveau les Français avec des décisions qu’ils pourraient considérer comme arbitraires.