Conflit russo-ukrainien – le plus gros joker pour les investisseurs

« Il y a plus d’un an, au moment où la Russie envahissait l’Ukraine, j’estimais que ce conflit était le plus gros joker dans l’analyse des perspectives économiques américaines et mondiales.  J’entendais par là qu’il était difficile de savoir comment se solderait le conflit, bien que les investisseurs puissent peser les résultats potentiels.

Fwd: Avis D'expert : Conflit Russo Ukrainien – Le Plus Gros Joker Pour Les Investisseurs
Par Nicholas Sargen Publié le 27 avril 2023 à 6h43
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Conflit russo-ukrainien – le plus gros joker pour les investisseurs - © Economie Matin
1000 MILLIARDS $La guerre en Ukraine aurait déjà coûté 1000 milliards de dollars.

Les économistes avaient analysé les impacts possibles de cette guerre sur l’économie mondiale par le même biais que les chocs pétroliers passés.  Les deux premiers chocs des années 1970 et début 1980 avaient abouti au quadruplement des prix du pétrole.  L’inflation s’était envolée à deux chiffres et plusieurs récessions globales avaient suivi à mesure que les banques centrales resserraient agressivement leurs politiques monétaires.

À côté de cela, les deux chocs suivants liés aux conflits des États-Unis avec l’Irak en 1990 et 2003 furent moins sévères. Ils engendrèrent un dédoublement des prix du pétrole, mais l’inflation ne s’était pas sensiblement accélérée et la Réserve fédérale américaine s’était retenue de resserrer sa politique monétaire.

L’année dernière, la plupart des économistes pensaient que l’impact d’un affrontement entre la Russie et l’Ukraine serait semblable aux conflits des USA avec l’Irak. Les experts en énergie avaient anticipé un quasi-doublement du prix de West Texas Intermediate à 125 $-150 $ par baril et une augmentation renforcée des prix du gaz naturel en raison de la lourde dépendance européenne sur l’approvisionnement russe.

Bien que cette analyse semble avérée au départ, le prix du pétrole brut est progressivement tombé de 120 $ le baril en juin à son prix actuel de 85 $ le baril de brut Brent.  Mais c’est la baisse abrupte du cours de référence européen du gaz naturel qui est plus surprenante encore.  Elle a chuté d’un pic de 130 euros le MWh au début de la saison de chauffage 2022/2023, à 43 euros plus récemment.

J’avais déjà identité trois forces à l’œuvre dans une analyse précédente.  La première concerne le resserrement agressif par la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne qui a fragilisé l’économie mondiale et réduit la demande d’énergie. La deuxième relève des politiques de l’Union européenne visant à économiser l’énergie et à défaire sa dépendance au gaz naturel russe.  Enfin, la troisième résulte d’un des hivers les plus doux de l’histoire européenne, ce qui a contribué à une demande amoindrie en fioul domestique.

Il est peu probable que les prix de l’énergie baissent encore à l’avenir, sauf dans le cas d’une récession globale. Néanmoins, il est évident que les économies occidentales se sont bien mieux adaptées aux pénuries causées par le conflit que prévu.

Cela ne signifie pas que le conflit est sans risque pour l’économie mondiale et ses marchés.  C’est plutôt que la nature du risque est passée de l’impact énergétique à une menace d’intensification de la guerre.  Au début, la plupart des observateurs pensaient que les troupes russes déborderaient l’Ukraine et que les combats prendraient rapidement fin. Désormais, il y a une prise de conscience que la guerre sera plus longue à mesure que Vladimir Poutine met à l’épreuve le soutien occidental à l’Ukraine.

Un article du Wall Street Journal propose l’analyse selon laquelle l’ineptie militaire inattendue et la cruauté épouvantable de la Russie ont plongé les USA et ses alliés de l’OTAN plus loin dans le conflit, au point où l’Ukraine est devenue une guerre occidentaleIl en résulte que ces pays sont de plus en plus contraints à fournir un programme massif d’aide militaire pour franchir l’impasse actuelle. L’espoir étant que l’Ukraine puisse prendre l’offensive au printemps et reconquérir suffisamment de territoires pour améliorer sa position de négociation.

En attendant, l’armée russe doit renflouer son arsenal militaire à mesure que stagnent ses efforts.  À présent, le souci principal pour l’Occident est que la Chine pourrait s’en mêler et proposer son aide.  D’après certaines informations, l’administration Biden aurait confronté le gouvernement chinois à propos de l’assistance prétendument fournie à l’effort de guerre russe par certaines entreprises d’État et cherche à savoir si celles-ci sont soutenues par Pékin.

Jusqu’ici, la Chine s’est gardée d’apporter ouvertement ce soutien pour plusieurs raisons.  D’abord, parce qu’elle pourrait ne pas vouloir être vue comme alliée de la Russie si elle estime que cette dernière ne l’emportera pas.  Ensuite, le gouvernement chinois sait qu’il pourrait subir des sanctions commerciales et financières américaines.  L’économie de la Chine souffrirait d’une rupture mondiale du commerce et de la finance en raison de son intégration bien plus étroite à l’Occident, en comparaison avec la Russie.

Le Président Biden a déclaré dans un récent entretien télévisé qu’il n’avait pas menacé la Chine de sanctions.  Il a toutefois rappelé au Président Xi le nombre d’entreprises américaines ayant décidé de cesser leurs activités :  Selon un rapport de la Yale School of Management, plus de mille entreprises ont freiné leurs activités en Russie, bien que certaines y subsistent.

Si une chose est certaine, c’est que le résultat pourrait être déterminé par la capacité de l’Ukraine ou de la Russie à entretenir son arsenal militaire.  Comme l’a souligné The Economist : « Les guerres sont remportées pour toutes sortes de raisons… Mais épuiser ses munitions avant l’autre n’est jamais une stratégie gagnante. »

Où les investisseurs se retrouvent-ils donc dans tout cela ?

Je pense qu’il est devenu plus difficile d’anticiper le dénouement du conflit russo-ukrainien.  Avant, les investisseurs pouvaient se concentrer sur la réaction des marchés de l’énergie au conflit. Ils pouvaient attribuer des probabilités aux conséquences potentielles en établissant une évaluation des risques.

Cependant, à mesure que le conflit a évolué dans l’année passée, les investisseurs doivent prendre en compte les incidences géopolitiques d’une intensification de la guerre.  Parce que l’issue est haute en complexité, il devient plus difficile de lui attribuer des probabilités et nous vivons désormais dans un monde d’incertitude accrue.

Face à cette situation, les investisseurs peuvent soit hausser les épaules et ignorer la possibilité d’une intensification de la guerre, soit choisir de réduire les risques en intégrant des liquidités ou de l’or à leurs positions.  S’il n’est pas évident d’entrevoir la bonne posture à adopter, une chose est claire – ce n’est pas le moment d’ajouter des risques à son portefeuille d’investissements, surtout avec la Réserve fédérale et d’autres banques centrales préparées comme elles le sont à resserrer encore plus leurs politiques monétaires. »

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maître de conférences à Darden School of Buisness et consultant en économie chez Fort Washington Investment Advisors :

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