Deux forces vont s’opposer sur les marchés au second trimestre, d’un côté une poursuite du ralentissement de la pression sur les prix, préambule à des discours moins agressifs de la part des banques centrales plus tard cette année, ce qui est plutôt de nature à soutenir les marchés actions, et de l’autre des signes de ralentissement économique qui devraient être plus nombreux, aux Etats-Unis notamment, ce qui pourrait freiner l’appétit pour les actifs risqués via des résultats d’entreprises moins bons.
Stress bancaire : le « game changer » pour les banques centrales…
Alors que plusieurs banques centrales semblent se rapprocher de leur taux terminal, certaines données économiques indiquent qu’un ralentissement économique se profile au deuxième trimestre 2023.
En Europe ce sont les chiffres de la consommation qui surprennent à la baisse : en février la consommation a baissé de 0.8% en mensuel et de 4.1% en annuel. Surprise également négative du côté de l’Allemagne avec une baisse mensuelle de 1.3% en février. Premiers signes d’une « usure » des consommateurs face à une inflation élevée et à des conditions de crédit qui se dégradent ? La zone euro connaît actuellement la plus faible croissance des prêts aux ménages depuis février 2021, d’après les données de la BCE.
Du côté de la Chine, la reprise de l’activité manufacturière est irrégulière comme en témoigne le dernier indice PMI ressorti à tout juste 50.0 (zone qui marque la séparation entre expansion de l’activité et contraction) contre 51.6 le mois précédent et les importations continuer d’évoluer en négatif, en variation annuelle, pour le sixième mois consécutif en mars (-1.4% après -10.2% en février). A noter toutefois une bonne dynamique de reprise dans les services.
Outre-Atlantique, l’indice ISM manufacturier continue non seulement d’évoluer sous 50 (contraction) pour le cinquième mois consécutif mais s’est encore dégradé en mars pour tomber à 46.3, son plus bas niveau depuis mai 2020 pendant la crise Covid. Même s’il ne s’agit « que » du secteur manufacturier, sa faiblesse soulève quand même des questions sur la trajectoire économique à venir des Etats-Unis. Et la publication hier de l’ISM Services pour le mois de mars, ressorti à 51.2 contre 55.1 le mois précédent, semble confirmer le ralentissement économique sachant que les services représentent trois quarts de l’économie américaine. La composante « nouvelles commandes » de l’ISM est tombée à 52.2 en mars contre 62.6 en février...le risque de contraction de l’économie américaine au deuxième trimestre est bien réel.
Ce stress bancaire devrait durcir les conditions financières aux Etats-Unis (via des taux plus élevés et moins de crédit disponible) de l’aveu même du président de la Fed lors de la dernière réunion de politique monétaire. C’est également le même son de cloche en Europe où Christine Lagarde a laissé entendre que ce stress bancaire allait faire une partie du travail, jusqu’alors réalisé par les banques centrales, en durcissant mécaniquement les conditions financières…
Alors que les soutiens budgétaires/fiscaux sont beaucoup moins présents avec la fin du « quoiqu’il en coûte » et avec la baisse des stocks d’épargne post-Covid, la fatigue des consommateurs en Europe et aux Etats-Unis devrait s’accentuer au deuxième trimestre, limitant également du coup la capacité des entreprises à relever leurs prix, contrairement à l’année dernière.
L’inflation « core » c’est à dire l’inflation hors alimentation et hors énergie est encore beaucoup trop élevée en Europe et aux Etats-Unis. Elle s’affiche encore à 5.6% de l’autre côté de l’Atlantique, avec même un léger rebond en mars, et a ralenti de seulement 1% depuis le pic de septembre à 6.6%. Les membres de la Fed ont régulièrement rappelé ces dernières semaines que l’objectif était toujours à 2% et qu’il était hors de question de le modifier. Ce qui signifie qu’il faudrait encore deux ou trois trimestres avant de voir des progrès significatifs sur cette inflation « core ». Certains membres de la Fed comme Neel Kashkari ont même remis le doigt sur l’hypothèse d’une récession, indiquant que les hausses de taux et l’éventuel recul des prêts après le stress bancaire pourraient déclencher une récession. Une hypothèse qui ressort également dans les minutes de la Fed avec un risque évoqué de « récession légère » (mild recession).
Ce contexte macro et microéconomique est normalement plus favorable à une consolidation des marchés actions européens et américains qu’à un rallye soutenu. On pourrait parfaitement envisager un canal de variation d’une amplitude de 10% pendant quelques mois.