Automobile : des pièces… en fibres de lin et écorce de citron ?

Les matériaux naturels, notamment les déchets agricoles, peuvent contribuer à rendre l’industrie automobile et d’autres secteurs plus durables et moins toxiques

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Horizon Publié le 13 avril 2023 à 5h15
Automobile 5330343 960 720
@shutter - © Economie Matin
14%En Europe, seuls 14% des déchets plastiques ont été recyclés localement en 2020.

Il ne nous viendrait pas à l’idée d’associer secteur automobile ou secteur du bâtiment à l’écorce de citron, à l’amidon de maïs et aux coques d’amande. Pourtant, les fabricants pourraient de plus en plus recourir à ces matières premières à l’heure où l’Europe cherche à réduire ses déchets agricoles et plastiques.

De nouveaux matériaux industriels extrêmement performants issus de déchets agricoles ont vu le jour dans le cadre du projet BARBARA, ouvrant de nouvelles perspectives d’innovation dans la bioéconomie européenne.

Devenir circulaire

Financé dans le cadre d’un partenariat entre l’UE et le secteur privé, le projet a utilisé des déchets issus de l’agriculture, comme des écorces de citron, de l’amidon de maïs, des coques d’amandes et des peaux de grenade pour s’en servir en tant qu’additifs pour les biopolymères, qui sont obtenus à partir d’organismes vivants tels que les végétaux et peuvent être utilisés dans le secteur de la fabrication.

L’équipe du projet a ainsi pu réaliser des prototypes de pièces automobiles et de moules utilisés dans le secteur du bâtiment en s’appuyant sur l’expertise en impression 3D du centre technologique Aitiip, basé en Espagne.

«Le plus passionnant, de notre point de vue, est qu’il n’y a pas de déchets, seulement des ressources», a déclaré Berta Gonzalvo, directrice de recherche à l’Aitiip et coordonnatrice du projet, d’une durée de trois ans et demi. «Des pièces automobiles et de construction ont été validées, démontrant ainsi qu’une économie circulaire peut être mise en place pour aider à réduire l’impact sur l’environnement.»

L’UE soutient le développement de produits issus de matériaux d’origine biologique, dans une volonté non seulement de diminuer les déchets, mais aussi de réduire les émissions de dioxyde de carbone et de rendre les produits industriels plus sûrs.

Selon une étude réalisée en octobre 2022, la bioéconomie de l’UE, qui est en pleine croissance depuis une décennie, avec 2,4 mille milliards EUR générés en 2019, devrait encore se développer.

Convaincue de l’important potentiel des bio-industries et dans le but d’encourager la recherche dans ce domaine, l’UE a créé avec elles une entreprise commune de 3,7 milliards EUR en 2014. En 2022, une initiative de 2 milliards EUR a été mise en place avec différents acteurs aux profils variés, allant des agriculteurs à des scientifiques, pour surmonter les obstacles techniques, réglementaires et commerciaux associés à la commercialisation de produits biosourcés. 

L’UE produit environ 60 millions de tonnes de déchets alimentaires et 26 millions de tonnes de déchets plastiques par an.

La fabrication de matériaux industriels à partir de sources renouvelables, notamment de déchets, est appelée à se développer et les projets tels que BARBARA ne sont qu’un début, selon Mme Gonzalvo.

Lorsque le projet BARBARA a vu le jour en 2017, un seul biopolymère pouvait être utilisé pour l’impression 3D. Le projet a augmenté le nombre de biomatériaux disponibles en combinant biotechnologie industrielle, nanotechnologie et technologies de fabrication avancées.

Il a mis au point de nouveaux procédés d’extraction et d’utilisation de composés tels que des colorants naturels, des bio-mordants qui fixent les colorants, des antimicrobiens et des huiles essentielles, issus de la grenade, du citron, des coques d’amande et du maïs.

Portes et tableaux de bord

Le projet BARBARA a créé huit matériaux contenant des pigments de grenade et de citron, des bio-mordants de grenade, un parfum de citron et de la coquille d’amande qui pourraient remplacer les plastiques actuels. Les nouveaux matériaux ont permis d’obtenir un éventail de couleurs, arômes, textures et propriétés antimicrobiennes.

Les onze partenaires ont également imprimé des prototypes de garnitures de porte et un tableau de bord pour l’industrie automobile ainsi qu’un moule pour pièces d’assemblage de charpente destinées au secteur du bâtiment.

Les nouveaux matériaux présentent de meilleures propriétés mécaniques, thermiques et même esthétiques.

Ils peuvent donc être utilisés pour améliorer la qualité du matériau final, en y ajoutant même une couleur ou un parfum.

Alors que le projet est arrivé à son terme, les participants espèrent que la technologie pourra entrer dans sa phase de démonstration dans les quatre à cinq prochaines années. Ceci apporterait la preuve qu’une production à grande échelle est envisageable.

Le secteur mondial des biopolymères enregistrant une croissance annuelle de 6% et le secteur européen de 30%, Mme Gonzalvo indique que l’UE est parfaitement positionnée pour devenir un chef de file dans ce secteur. 

«Nous nous rapprochons d’une véritable économie circulaire», a-t-elle déclaré. «Les déchets peuvent être une ressource.»

Substituts du plastique

Du côté des plastiques, les perspectives de recherche s’annoncent également prometteuses.

En Europe, seuls 14% des déchets plastiques ont été recyclés localement en 2020, selon la Commission européenne. Les 86% restants ont été incinérés, mis à la décharge, jetés ou exportés, soulignant ainsi la nécessité de mettre en place un système plus durable.

Alors que la production de plastiques devrait augmenter à moyen terme, il est d’autant plus important de réduire leur empreinte environnementale.

Le projet ECOXY, financé par le même partenariat public-privé que BARBARA, a recherché des alternatives biosourcées aux plastiques, appelées «composites thermodurcissables renforcés de fibres» ou FRTC.

Bien que légers et solides, les FRTC sont mauvais pour l’environnement. En plus d’être issus de combustibles fossiles, ils ne peuvent pas être recyclés et sont souvent fabriqués à partir de matériaux toxiques, dont le bisphénol A, un perturbateur endocrinien.

«Les composites renforcés de fibres sont de plus en plus utilisés. Ces composites biosourcés devraient donc pouvoir les remplacer dans tous les domaines dans lesquels ils sont utilisés», a déclaré Aratz Genua, chercheuse au CIDETEC, un institut espagnol qui a coordonné le projet ECOXY.

Les trois R

Le projet, qui a été mené en parallèle à BARBARA, a fait appel à un consortium de douze partenaires de recherche et industriels de toute l’Europe.

Ils sont partis de matériaux considérés comme respectueux des trois R: réduction, réutilisation et recyclage. Bien que déjà brevetés par le CIDETEC, ces matériaux 3R présentaient un inconvénient.

«Nous avions fait en sorte de les rendre plus durables, mais nous utilisions toujours des produits dérivés du pétrole dont le plus courant est issu du bisphénol A», a déclaré Mme Genua. «Nous avons eu l’opportunité d’aller plus loin et de rendre les matériaux plus durables en utilisant des biodéchets pour fabriquer des FRTC biosourcés.»

Le consortium a examiné la possibilité d’utiliser la lignine, dérivée de bois et de fibres végétales. Il a utilisé une résine biosourcée à base de lignine, renforcée de fibres de lin pour fabriquer un modèle de démonstration, en l’occurrence le panneau de banquette arrière d’une automobile.

«Pouvoir aller plus loin et fabriquer un modèle de démonstration était vraiment une grande avancée», a déclaré Mme Genua. «Nous avons commencé avec de petites quantités de matériaux, et nous avons montré qu’il était possible de les utiliser en quantité plus importante».

Le véritable défi était de s’assurer que le nouveau matériau aurait des propriétés comparables à celles des matériaux actuels.

Les résines biosourcées se sont avérées présenter de très bonnes propriétés, équivalentes à celles des résines issues des énergies fossiles, selon Mme Genua. Toutefois, la résistance des fibres de lin peut encore être améliorée.

Regarder vers l’avenir

Des recherches pourraient à l’avenir être menées sur l’utilisation de fibres de carbone biosourcées, également issues de la lignine.

«Nous continuerons de travailler au développement et à l’optimisation de résines 3R biosourcées destinées à différentes applications», a déclaré Mme Genua.

À titre d’exemple, le projet BIO-UPTAKE, financé par l’UE, travaille sur des panneaux de plafond destinés au secteur du bâtiment.

«Ici, de la fibre de lin et de la fibre de carbone biosourcée seront utilisées», a-t-elle ajouté.

À court terme, les nouveaux matériaux sont meilleurs pour la santé des ouvriers qui les manipulent.

À plus long terme, la réduction des déchets rendue possible par ces matériaux aidera à mieux protéger l’environnement.

Les recherches réalisées dans le cadre de cet article ont été financées par l’entreprise commune Bio-industries (BBI JU) puis, à partir de 2022, par l’entreprise commune «Une Europe fondée sur la bioéconomie circulaire» (CBE JU). Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation. 

Plus d’infos

BARBARA

ECOXY

Entreprise commune Une Europe fondée sur la bioéconomie circulaire

Recherche et innovation dans la bioéconomie, financées par l’UE

Laissez un commentaire
Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

Aucun commentaire à «Automobile : des pièces… en fibres de lin et écorce de citron ?»

Laisser un commentaire

* Champs requis