Le combat climatique excède largement les possibilités de la puissance publique. Bien présent, le monde des affaires est en première ligne, tant les champs à couvrir sont vastes, et les opportunités grandes, pour atteindre la neutralité carbone. Tout le monde a à y gagner.
Le développement durable – dont la transition énergétique est’une des pièces-maîtresses – figure à l’épicentre des préoccupations internationales. Mais la traduction sonnante et trébuchante de ce volontarisme affiché peine encore à se concrétiser : les moyens ne sont décidemment pas à la hauteur des enjeux. Récemment encore, les Nations unies ont annoncé que leur fonds dédié pour les Objectifs de développement durable (ODD) allait investir cinquante-quatre millions de dollars pour des projets dans cinq pays. L’envoyé spécial de l’ONU, Hiro Mizuno, a alors déclaré que ce fonds est « en mesure de combler le fossé entre les dons et les investissements d’impact ». Le « gap » entre le niveau des besoins et ceux avancés par l’ONU prêterait à sourire si le sujet n’était pas aussi important. Pour donner un ordre de grandeur, Nadège Tillier, responsable de la recherche sur le crédit aux entreprises chez ING, explique que « la Commission européenne estime qu’entre 2021 et 2030, le secteur énergétique au niveau européen aura besoin au minimum de 175 milliards d’euros par an pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions de carbone et développer les énergies renouvelables et infrastructures nécessaires. En France, il faudra compter entre 12 et 15 milliards d’euros par an. » Fondateur de Kouros Investment, Alexandre Garese rappelait lui récemment qu’au niveau global, « le besoin de financement de la transition énergétique d’ici 2050 a été chiffré par l’IRENA, l’Agence Internationale des Énergies Renouvelables, à plus de 131 trillions de dollars. » Soit 131 milliers de milliards de dollars, trente-cinq ans après le rapport Brundtland. C’est donc bien ici que les fonds d’investissement privés peuvent intervenir. Réactifs, innovants mais aussi davantage opérationnels au regard des montants de leurs actifs sous gestion, les fonds d’investissement ont un rôle effectif à jouer, que ce soit en appui aux institutions publiques ou comme acteur économique d’avant-garde.
Appuyer la puissance publique
Les institutions internationales et les gouvernements ont pour eux de créer des cadres juridiques et des normes internationaux. Mais le « privé » mobilise, lui, rapidement des capitaux, à un niveau souvent bien supérieur. Parmi les plus grands hedge funds au monde, Bridgewater Associates de Ray Dalio représente par exemple 150 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Il déploie notamment ses capacités au travers de la construction de portefeuilles qui intègrent les impacts environnementaux, en appui direct aux Objectifs de développement durable. Pour ce faire, Bridgewater noue des partenariats avec des investisseurs institutionnels qui poursuivent cette finalité. Ce type d’activité permet de pallier la crise du secteur public, caractérisée notamment par un effondrement des dettes souveraines. En décembre 2021, le blog du Fonds monétaire international (FMI) rapportait en effet que la dette atteignait « un record mondial de 226 mille milliards de dollars », soit le niveau le plus important en un demi-siècle. Le problème est que cet endettement obère la capacité des États à « soutenir la reprise et la faculté du secteur privé à investir à moyen terme ». C’est ici que l’indépendance et la résilience des fonds d’investissement se révèlent être des atouts face aux défaillances ou à l’impuissance du secteur public : tandis que les seconds doivent trouver un équilibre précaire entre endettement, impôts et inflation, les premiers sont opérationnels pour agir dans des domaines prioritaires tels que le développement durable ou l’un de ses corollaires, la transition énergétique, où les besoins de financement sont considérables.
Investir dans les infrastructures
Dans son édition 2022 du panorama des financements climat, l’Institute for Climate Economics (I4CE) relevait que l’État devait investir davantage dans les équipements et les infrastructures bas-carbone. Dans le même temps, entreprises et collectivités peinent toujours plus à lancer et à financer leurs projets d’investissements climat. C’est la raison pour laquelle un acteur privé comme Trium a lancé un hedge fund spécialement dédié à cette problématique, sous l’article 9 du Règlement Disclosure sur la finance durable, c’est-à-dire un fonds dont l’objectif principal est l’investissement durable, le Trium Impact Climate Fund, qui traitera également de la gestion des déchets et de l’eau. Co-PDG de Trium, Donald Pepper déclarait à l’occasion de l’officialisation de ce nouveau fonds que les rendements seront fondés « sur [l’indicateur] alpha en parallèle de véritables impacts en termes d’émissions et d’avantages environnementaux ». Mais au-delà d’un appui face aux carences d’un secteur public en grande difficulté, l’investissement des hedge funds dans le développement durable, c’est aussi la plus-value d’une expérience, gage d’un partenariat gagnant-gagnant sur le long terme.
Les financements et l’expertise
Financer les besoins en développement durable, c’est investir dans des technologies, des infrastructures et des projets à long terme mais aussi fournir une expertise que n’a pas forcément le secteur public. Déjà cité, Alexandre Garese a par exemple fondé Kouros Investment, dédié au développement durable et à la transition énergétique. Son objectif, double, combine le remplacement des énergies fossiles par les renouvelables et le retrait du carbone de l’atmosphère. Kouros, qui a opté pour une double casquette, investit dans des sociétés existantes et développe en parallèle ses propres projets. Focalisé sur l’hydrogène en particulier dans la mobilité lourde, le fonds compte de ce fait six investissements et deux sociétés créées dans ce domaine. Hyliko, son service de décarbonation des flottes de poids lourds, entraîne l’accélération de l’adoption de ce modèle par ce type de véhicule. En moins d’un an, Hyliko est ainsi devenu l’un des noms de référence du camion à hydrogène en Europe, répondant ainsi aux préoccupations d’initiatives politiques telles que le Pacte vert pour l’Europe. Ceci, au moment où les émissions mondiales de CO2 dues au transport – principalement routier et de fret – sont en forte hausse et réclament donc une alternative décarbonée.
Au-delà du climat avec Trium et de l’énergie & du transport avec Kouros Investment, les domaines à couvrir restent nombreux et occasionnent autant de modes d’action singuliers. Avec ATLAS Responsible Investors, Quentin Dumortier a quant à lui lancé le premier hedge fund long/ short à impact, un mode de finance soutenu par le ministère de l’Économie. L’intégralité de son portefeuille se compose d’entreprises leaders dans le respect des critères ESG, Dumortier étant convaincu que cette thématique est aujourd’hui d’une importance cruciale pour les investisseurs. Mais il s’agit aussi d’une incitation à s’inscrire dans la transition énergétique. Comme il le rappelait justement, « moins de 10% des entreprises du MSCI World [Index] sont en ligne avec la trajectoire des Accords de Paris ». Le choix du format UCITS (Undertakings for Collective Investment Schemes in Transferable Securities) permet par ailleurs à ATLAS de démocratiser sa stratégie en faveur du développement durable avec une acquisition de parts dès 100 euros. Dit autrement, les citoyens sont incités à devenir coacteurs de cette démarche, ce qui accroît les chances de pérenniser l’approche d’ATLAS sur le long terme.
Résumée, l’approche systémique des nombreux besoins actuels confère un rôle pivot aux fonds qui choisissent de se consacrer à l’appui aux Objectifs de développement durable. Tant par leur expertise et leur mobilisation de fonds que par leur aptitude à innover et le renforcement de capacités qu’elles portent, ces sociétés jouent un rôle moteur dans l’implémentation progressive de l’Agenda 2030 et la bonne marche des accords sur le climat.