Vivre et cultiver sans glyphosate ? Episode II

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Par Bruno Parmentier Modifié le 31 mars 2021 à 10h54
Vivre Cultiver Sans Glyphosate Episode 2
@shutter - © Economie Matin
100 MILLIONS €La seule SNCF va dépenser plus de 100 millions d?euros pour désherber ses voies ferrées sans glyphosate.

Vous n'avez pas lu l'épisode I, retrouvez-le sur EconomieMatin

2. Les municipalités, la SNCF et d'autres sont déjà passés au monde sans glyphosate

Depuis 2019, les particuliers ne peuvent plus trouver de Roundup à acheter dans leur jardinerie. En 2021, ils ont probablement écoulé leurs derniers stocks, et ils sont bien obligés de se débrouiller pour désherber autrement les allées de leur jardin. Chacun y va de sa méthode : le mal au dos lorsqu'on arrache soi même ses mauvaises herbes, la consommation d'énergie lorsqu'on choisit de les brûler, d'autres consommations chimiques lorsqu'on passe à des herbicides encore autorisés, diverses couvertures des sols, ou tout simplement le choix d'allées enherbées.

On a déjà un peu plus de recul dans les jardins publics, les cours d'école, les cimetières, les tennis, les terrains de pétanque et de sport, etc., car c'est depuis 2017 que l'on a interdit ce produit aux dernières municipalités qui l'utilisaient encore. Songeons quand même que tous les enfants nés avant 2017 en ont absorbé lorsqu'ils suçaient les cailloux dans les parcs publics.

On sait maintenant à peu près comment faire pour s'en passer ; parmi les méthodes nombreuses et souvent complémentaires qui ont été mises en œuvre (et que les particuliers peuvent eux aussi utiliser chez eux) on peut citer :

  • la réduction de la largeur des chemins (n'oublions pas que le piéton a un pied qui tond !),
  • leur couverture avec différents matériaux comme les graviers de lave relativement coupant, ou le bois raméal fragmenté.
  • la limitation des angles droits (sur lesquels on marche rarement), au profit des courbes,
  • L'herberment des allées,

  • l'entretien et la réparation des joints des dalles et les pavés,
  • l'entretien régulier des espaces de jonction (limite trottoir-mur, trottoir-bordure, route-rigole, mobilier urbain, panneaux de signalisation, etc.),
  • l'installation de prairies fleuries et de zones fleuries (par exemple autour des arbres en ville),
  • l'utilisation de plantes couvre-sols (en faisant attention aux espèces exotiques envahissantes),
  • le paillage :
  • le désherbage mécanique (à la balayeuse, à la tondeuse, au jet d'eau, au karcher, etc.),
  • le désherbage manuel à la binette,
  • le désherbage thermique (à flamme directe, air chaud, eau chaude, vapeur, infrarouge, mousse chaude, etc.

  • l'utilisation de ruminants (chèvres, moutons),
  • la pose de gazon synthétique.

Il est à noter que ces différentes méthodes ont toutes un coût supérieur à celui de la simple pulvérisation de glyphosate… et qu'il a fallu travailler sérieusement l'opinion publique pour lui faire admettre que ses envies d'un monde plus écologique doivent passer par l'acceptation d'un peu plus de nature, jugée auparavant désordonnée dans la ville.

De son côté, la SNCF, doit impérativement empêcher les mauvaises herbes de pousser sur ses 60 000 kilomètres de voies ferrées pour maintenir la sécurité. C'est la raison pour laquelle elle était le plus gros consommateur français de glyphosate, qu'elle abandonnera définitivement fin 2021. Elle a opté pour la combinaison de traitement thermique (elle fait passer la nuit des trains qui avancent lentement avec des lance-flammes) et de traitement chimique alternatif, avec un mélange d'acide pélargonique et de flazasulfuron.

Dans tous les cas de figure cela va lui coûter beaucoup plus cher (on parle de plus de 100 millions d'euros supplémentaires par an), et il n'est pas du tout sûr que ces solutions soient pérennes. Car certains disent que le remède est pire que le mal. Et que l'acide pélargonique est également nocif : sa toxicité serait 3 fois supérieure à celle du glyphosate pour les écosystèmes aquatiques, et comme il est question de l'épandre 3 à 4 fois par an (au lieu d'une fois tous les 3 ans comme préconisé), les mauvaises herbes acquerront très vite des résistances spécifiques à ce produit. L'histoire est donc loin d'être finie.

Pour l'épisode III, c'est par ici ...

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Bruno Parmentier, Ingénieur des mines et économiste, est l'ancien directeur (de 2002 à 2011) de l’ESA (École supérieure d'agricultures d'Angers). Il est actuellement consultant et conférencier sur les questions agricoles, alimentaires et de développement durable.  Il a publié "Nourrir l'humanité"  et « Faim zéro » (éditions La Découverte), "Manger tous et bien » (Editions du Seuil), « Agriculture, alimentation et réchauffement climatique » (publication libre sur Internet) et « Bien se loger pour mieux vieillir » (Editions Eres) ; il tient le blog "Nourrir Manger" et la chaîne You Tube du même nom. Il est également président  du CNAM des Pays de la Loire, de Soliha du Maine et Loire, et du Comité de contrôle de Demain la Terre, et administrateur de la Fondation pour l’enfance.