À quels risques économiques peuvent s’exposer les pays qui mènent une politique protectionniste ?

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Par Jean-Paul Betbèze Publié le 19 août 2014 à 3h17

Voici ma suggestion de réponse au dernier des 3 sujets proposés aux élèves du baccalauréat économique cette année. La semaine prochaine, c'est la rentrée...

La réponse tient en un mot : au risque du réveil, guerrier ou non. Le protectionnisme, ou plus exactement « les protectionnismes », sont très agréables au début, dans la mesure où ils font baisser l'intensité de la concurrence. Ils sont dangereux, voire dramatiques, ensuite.

Les protectionnismes commencent toujours bien, avec toujours de bonnes raisons. Tel concurrent étranger bénéficie d'avantages indus pour être plus compétitif. Il peut s'agir de coûts salariaux, de règles sociales, juridiques ou fiscales, de systèmes de brevets plus favorables, ou bien encore de systèmes légaux et juridiques plus « compréhensifs », d'Etats plus souples et tolérants, de normes d'hygiène, de protection sociale ou du consommateur inférieures, de monnaie fondante ou manipulée... La liste est longue, mais elle conduit toujours à un seul effet : les coûts de production du pays « trop avantagé » sont plus faibles et plus aisément ajustables à la baisse que ceux du pays qui « joue le jeu ».

La réponse du pays qui se sent victime est de vouloir se protéger de cette « agression injuste » selon lui. Cette agression menace son emploi, ses ressources financières, ses entreprises, ses brevets, ses territoires, autrement dit ses équilibres financiers, économiques et sociaux. La réponse la plus directe est un ensemble de réactions qui veulent « protéger » les domaines menacés, en fonction de l'attaque et selon divers niveaux, combinant une riposte plus ou moins graduée chez « l'attaquant » lui-même (« on va lui faire ailleurs ce qu'il nous fait ici ») à la protection de « l'attaqué ».

On connaît les doubles effets de ces mesures : d'abord une montée des tensions entre pays, régions, zones jusqu'à des « guerres » fiscales, monétaires... ensuite une extension, dans le pays dit attaqué, des protections. Au début tel secteur sera protégé, mais tel autre se dira également victime, et ainsi de suite. Le protectionnisme est toujours divers au début, en fonction de raisons spécifiques, il se globalise ensuite. On passe des protectionnismes au protectionnisme, avec de plus en plus de tensions et de risques à la clef.

On le comprend, chaque acteur connaît les règles de ce jeu et essaie donc de l'éviter. L' « attaquant » va agir sur des fronts multiples, avec chaque fois des doses telles qu'il ne suscitera pas de réponse directe de l'autre. Il évite ainsi l'engrenage et va chercher assez d'amis et d'alliés. L'« attaqué » va chercher à éviter cette situation en structurant des règles de marché globales dans lesquelles lui, et les autres, seraient protégés – autrement dit traités de manière équitable. C'est le fameux levelled playing field, le marché unifié et commun. Les entreprises entendent y combattre, mais avec des règles semblables discutées entre états, selon leurs propres structures de production, et prévoyant des instances de gestion des litiges.

Pour éviter le protectionnisme, il faut entrer dans des logiques de plus en plus générales et désormais globales. Les normes sanitaires, financières, de pollution, de protection du travail deviennent des règles valables pour tous. On s'en doute, elles se font de plus en plus contraignantes pour réduire l'espace possible des dumpings, économiques, fiscaux, sociaux, environnementaux. Les politiques de la zone euro, avec le renforcement du Grand marché, puis les discussions au sein de l'OMC d'une part et par grandes régions d'autre part (avec les Etats-Unis d'un côté, le Japon de l'autre) sont exemplaires de cette démarche. Il ne s'agit pas de réduire les droits de douane, qui ne pèsent plus rien, mais d'entrer dans des logiques concurrentielles de plus en plus efficaces, c'est-à-dire globales, claires et dont on connaît le sens : des marchés plus grands et efficaces, avec moins de distorsions. Il faut donc être très préparé, convainquant, avoir des amis et des alliés dans cette démarche d'ensemble.

Au fond, le vrai risque du protectionnisme, c'est d'y être contraint.

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Jean-Paul Betbèze est PDG de Betbèze Conseil, membre de la Commission Economique de la Nation et du Bureau du Conseil national de l'information statistique (France), du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Professeur d'Université (Agrégé des Facultés, Professeur à Paris Panthéon-Assas), il a été auparavant chef économiste de banque (Chef économiste du Crédit Lyonnais puis Chef économiste & Directeur des Etudes Economiques, Membre du Comité Exécutif de Crédit Agricole SA) et membre pendant six ans du Conseil d'Analyse économique auprès du Premier ministre. Il est l'auteur des ouvrages suivants:· "Si ça nous arrivait demain..." aux éditions Plon, Collection Tribune Libre· "2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France" aux Editions PUF, 2012.. "Quelles réformes pour sauver l'Etat ?" avec Benoît Coeuré aux Editions PUF, 2011.. "Les 100 mots de l'Europe" avec Jean-Dominique Giuliani aux Editions PUF, 2O11. "Les 100 mots de la Chine" avec André Chieng aux Editions PUF, 2010. Son site : www.betbezeconseil.com