Un « Noci-score » pour mieux lutter contre la cigarette

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Par Patrick Coquart Publié le 10 octobre 2021 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
73%En Suède, les cigarettes sont 60 % moins chères et les fumeurs quotidiens 73 % moins nombreux qu'en France

Un rapport parlementaire1 vient de mettre le doigt sur une réalité souvent occultée : des Français vont acheter leur paquet de cigarettes dans des pays où il est moins taxé qu’en France. Ces achats en dehors du réseau des buralistes représenteraient entre 2,5 et 3 milliards d’euros de manque à gagner pour l’État.

La France a augmenté les taxes sur les cigarettes de 212 % en vingt ans

En donnant ces chiffres, les députés dévoilent le pot aux roses : les taxes sur les produits du tabac ne visent pas à réduire le nombre de fumeurs mais ont pour vocation première de remplir les caisses de l’État !

Si l’on voulait lutter efficacement contre la cigarette, nous nous intéresserions, comme nous l’avons fait à l’IREF2, à ce qui se fait au-delà de nos frontières. On se rendrait alors compte qu’avec un paquet de cigarettes 45% moins cher, l’Italie a 27 % de fumeurs quotidiens de moins que la France. En Suède, les cigarettes sont 60 % moins chères et les fumeurs quotidiens 73 % moins nombreux que chez nous. Certes, au Royaume-Uni, le paquet de cigarettes est 15 % plus élevé que de ce côté-ci de la Manche, mais les fumeurs y sont moitié moins nombreux.

Il devient, par conséquent, difficile de soutenir que la hausse des taxes permet à elle seule de réduire la consommation de cigarettes. D’ailleurs, alors que la France a augmenté les taxes sur les cigarettes de 212 % en vingt ans, le nombre de fumeurs n’a baissé que de 15 %. Les Britanniques, de leur côté, sur la même période, multipliaient aussi les taxes par 3 (+ 194 %), mais voyaient le nombre de fumeurs divisé par 2 (- 55 %).

Si nos voisins fument moins que nous, c’est parce que leurs gouvernements considèrent que les nouveaux produits du tabac et de la nicotine à risques réduits sont des moyens efficaces pour lutter contre le tabagisme. Un nombre grandissant d’agences de santé reconnaissent d’ailleurs le potentiel de réduction des risques de la cigarette électronique et du tabac à chauffer, comme Public Health England ou la Food and Drugs Administration (FDA).

Aujourd’hui, malgré des politiques très agressives en termes de fiscalité et de réglementation, il y a encore 11 millions de fumeurs adultes quotidiens en France. Il y a donc nécessité de changer de politique.

Taxer les produits du tabac et de la nicotine en fonction des dangers qu’ils présentent pour l’individu

Pour faire bouger les lignes, l’IREF fait plusieurs propositions relatives à la fiscalité sur les produits du tabac et de la nicotine, dans un objectif de santé publique et de cohérence de la politique fiscale.

Tout d’abord, nous préconisons la création d’un comité d’experts indépendants, largement ouvert aux sciences humaines et sociales et aux parties prenantes, qui aurait pour tâche d’évaluer scientifiquement les risques, mais aussi les bénéfices, des produits du tabac et de la nicotine et de délivrer une information simple et claire sur ces mêmes produits à l’aide d’un « Noci-score ». Celui-ci serait construit sur le modèle du « Nutri-score » ou de l’étiquette énergie et permettrait au consommateur d’apprécier en clin d’œil la nocivité du produit qu’il s’apprête à acheter. A ce « Noci-score » serait associée une fiscalité claire et cohérente prenant en compte la dangerosité des produits et la manière dont ils sont consommés.

L’Italie, par exemple, a créé des catégories fiscales pour les produits du tabac et de la nicotine à risques réduits. Le tabac à chauffer supporte 25 % des droits d’accises des cigarettes ; les liquides de cigarettes électroniques, 10 % s’ils contiennent de la nicotine et 5 % s’ils n’en contiennent pas. Le Royaume-Uni a, de son côté, mis en place une risk based taxation qui a pour objectif d’inciter les fumeurs à choisir des produits à risques réduits.

Quant aux Suédois, s’ils sont ceux qui fument le moins en Europe, ils le doivent essentiellement au snus, dont la consommation augmente au fur et à mesure que celle de cigarettes diminue. Le snus – interdit dans le reste de l’Union européenne – est une poudre de tabac humide généralement consommée sous formes de petites boulettes placées entre la gencive et la lèvre supérieure. Grâce au snus, qui est 5 fois moins taxé que la cigarette, la Suède est le pays qui a le taux le plus bas de maladies liées au tabac dans l'Union européenne.

Nos propositions ont pour ambition de renouveler l’approche de la lutte contre la cigarette, en la rendant plus rationnelle et plus efficace, en particulier en l’appuyant sur une fiscalité dont l’objectif premier n’est plus d’augmenter les recettes budgétaires mais d’améliorer la santé publique.

1 Eric Woerth (LR) et Zivka Park (LaREM), rapporteurs de la « Mission d’information relative à l’évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement et aux enseignements pouvant en être tirés ».

2 Patrick Coquart, « Repenser la fiscalité des nouveaux produits du tabac et de la nicotine pour lutter contre le tabagisme », IREF, mars 2021.

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Patrick Coquart est rédacteur et essayiste. Il collabore avec plusieurs think tanks sur des questions d’économie et de politiques publiques. Par ailleurs, il prête sa plume à des entreprises pour les aider à produire des contenus éditoriaux originaux (études et rapports, livres blancs, etc.). Auparavant, il a travaillé dans une organisation patronale puis un organisme paritaire avant de rejoindre le secteur du conseil en management, ressources humaines et relations sociales.