Harcèlement au travail : des agents de sécurité en appellent à leur direction

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Par André Paris Modifié le 28 avril 2021 à 12h32
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47C'est le nombre de salariés du GPIS qui ont émis des plaintes pour harcèlement moral

Le cas n'est pas banal. Dans une société de sécurité privée, le GPIS, près du tiers des salariés en appellent à la direction pour en finir avec le système de harcèlement mis en place par… un délégué syndical ! Si l'affaire n'a pas encore fait grand bruit, c'est qu'elle commence à peine à être connue... à la faveur de la décision de l'inspection du travail qui, fait paradoxal, prend parti contre les salariés, en refusant le licenciement du harceleur...

Propos humiliants et dégradants, brimades quotidiennes, diffamations, harcèlement verbal et sur les réseaux sociaux, injures à caractère raciste ou homophobe, incitations à la démission… Selon les informations dont nous disposons, il aura suffi d’un seul homme pour rendre l’ambiance de travail au sein du GPIS insupportable à de nombreux salariés. Arrivé en 2008 au sein de cette entité de sécurité privée en charge de la surveillance des logements sociaux parisiens, le délégué syndical dont il est question, alors jeune agent de prévention et de sécurité, montre incontestablement des capacités professionnelles avérées. Ayant également quelques ambitions, il gravit très vite les échelons et se hisse au statut de cadre, mais surtout, il devient le représentant de l’UNSA, le syndicat majoritaire. À ce titre, il devient le « mâle dominant » du Comité social et économique (CSE) et, entouré de quelques « camarades » tout entiers acquis à sa cause, il assoit son autorité au sein du GPIS. Chef de service et « chef » du CSE, avec ses deux atouts majeurs dans sa main, le délégué syndical fait régner sa loi sans que personne n’ose dénoncer ses agissements.

L’omerta se brise enfin

Il faudra attendre l’arrivée d’un nouveau directeur général au milieu de l’année 2020 pour que les langues se délient. Nommé après la démission de la direction précédente, Michael Sibilleau, ancien gendarme et ancien directeur de cabinet du préfet de la Seine-Saint-Denis, entend bien mettre en œuvre les nombreux projets laissés en stand-by, mais aussi mettre de l’ordre dans le management du GPIS. Et seulement quelques mois après sa nomination, l’omerta autour de l’atmosphère délétère au sein du groupement se brise. En décembre 2020, plusieurs dizaines de salariés et quelques représentants des syndicats minoritaires vont trouver la direction pour dénoncer les manœuvres du délégué syndical présenté plus haut. Face à cette situation préoccupante, la direction et des représentants du personnel diligentent une enquête interne. Pendant tout le mois de janvier 2021, plus d’un tiers de l’effectif du GPIS est convoqué pour des entretiens et la commission d’enquête se forge par ailleurs sa propre opinion en recoupant les faits allégués. Début février, les membres de cette commission parachèvent leur rapport, et les résultats de leur enquête semblent sans appel.

Une cinquantaine de salariés du groupement témoignent de l’ambiance détestable au sein du GPIS, faisant part des tensions, des souffrances au travail, et même d’une réelle détresse pour certains d’entre eux. Selon nos informations, le directeur général adjoint du GPIS lui-même en aurait fait les frais, au point de donner sa démission trois mois seulement après son arrivée. Le rapport de la commission d’enquête établit également que le délégué syndical exercerait en permanence des pressions de toutes sortes à l’encontre de ses collaborateurs, usant et abusant largement de son statut de chef de service, imposant le rapport de force, à l’opposé de toute forme du dialogue que sa double position de cadre et de représentant syndical appellerait. Plus grave encore, plusieurs salariés affirment que le climat social actuel pourrait conduire à un accident voire à un drame, parlant même du risque de « suicide » et de « meurtre » lors des entretiens. Autant de faits très graves confirmés par le rapport d’un cabinet en charge d’un audit de risques psychosociaux commandé par la direction, et dont les travaux avaient débuté avant même les plaintes, dans le cadre d’un audit général.

Une décision incompréhensible qui remet tout en cause

Face aux conclusions accablantes de ce rapport, Michael Sibilleau prend immédiatement une mesure disciplinaire à l’encontre du délégué syndical en prononçant d’abord sa mise à pied conservatoire, puis son licenciement pour faute grave. Fait notable : cette décision est validée, certes de justesse, par le CSE qui a si longtemps été sous la coupe du représentant syndical. Le directeur général alerte la médecine du travail afin de mettre en place un soutien adéquat pour les salariés en souffrance. Il prévient aussi l’Inspection du travail et lui transmet également l’intégralité du dossier le 22 février 2021, afin que cette instance puisse statuer et valider ou rejeter le licenciement pour faute. Enfin, il saisit aussi la justice, compte tenu de la gravité des faits et de ses obligations au titre de l’article 40 du Code de procédure pénal.

Passés les deux mois prévus par le Code du Travail, l’inspection du travail rend sa décision, et c’est la douche froide pour le Directeur général du GPIS et les nombreux salariés qui avaient placé tous leurs espoirs de voir la situation dans le groupement enfin s’améliorer dans le départ définitif de l’élément perturbateur : le 21 avril, l’inspectrice du travail en charge du dossier invalide le licenciement. Faut-il voir un lien avec son propre engagement syndical et son rôle de délégué CGT ? Y a-t-il eu confusion des genres dans la manière dont elle a abordé ce cas ? Y aurait-il d’autres faits qui blanchiraient le salarié protégé ? Malgré le fait qu’entre temps une instruction judiciaire a été ouverte, sur le fondement de la saisine évoquée plus haut ?

Des recours pour sauver le GPIS

Du côté de la direction générale, qui dans cette affaire soutient ses salariés sans mollir, on cherche désormais des solutions afin de permettre la reprise de l’activité dans les meilleures conditions possibles et éviter un incident. Trois voies de recours s’offrent à Michael Sibilleau. La plus immédiate serait de parvenir à un accord à l’amiable avec l’inspectrice du travail qui a pris la décision d’annuler le licenciement. Au regard du peu de cas qu’elle a fait de l’épais dossier transmis, l’efficacité de cette solution est plutôt improbable. La deuxième possibilité est de déposer un recours ministériel contre la décision de l’inspection du travail. Cela peut prendre… un certain temps… Enfin, il lui est toujours possible de saisir le tribunal administratif. Mais on le sait, le temps de la justice est également long, très long parfois, et du temps, la direction du GIPS en manque cruellement dans cette affaire.

Ce qui manque tout autant aux salariés du GPIS, et à la direction qui s’engage pour eux, c’est un soutien clair de la part des organisations syndicales. En effet, du côté de l’UNSA, dont le délégué syndical en question est tout de même le président de la section locale, aucune voix ne s’est élevée pour condamner le comportement incriminé, pourtant passablement contradictoire avec son mandat. Idem du côté des autres syndicats qui n’ont, pour le moment, pas entamé la moindre démarche pour venir en aide à leurs représentants syndicaux, minoritaires au sein du GPIS, qui ont alerté la direction quant aux agissements en cause et à la souffrance des salariés du groupement, et qui auraient bien besoin du soutien et de l’appui de leurs fédérations nationales.

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