Associé d’Eurogroup Consulting depuis 1998, Gilles Bonnenfant a été réélu Président pour un troisième mandat en juin 2018. Il développe pour Economie Matin son ambition de préparer le cabinet de conseil en stratégie, management et organisation, d’origine française et européenne aux transformations majeures du monde et du conseil à venir.
Vos associés vous ont renouvelé leur confiance pour un nouveau mandat à la tête d’Eurogroup Consulting, témoignant ainsi d’une réelle cohésion autour de la stratégie initiée il y a six ans déjà. Comment allez-vous mettre à profit ces trois prochaines années ?
Nous avons déjà beaucoup d’atouts qui nous ont mené là où nous en sommes aujourd’hui ; nous allons donc les consolider pour confirmer notre position de leader de la transformation. Nous allons également travailler sur de nouvelles approches et techniques qui lient des volets soft et hard dans la transformation des entreprises. Depuis quelques années, nous avons beaucoup innové en développant de nouvelles approches, et nous entrons dans une phase accélérée d’innovation qui me semble essentielle dans le métier que nous exerçons, dans le monde d’aujourd’hui. Par ailleurs, nous allons élargir notre assise à l’international en renforçant notre réseau sur toute la palette de nos secteurs et de nos métiers.
Concernant le volet RH, nous avons la volonté de recruter les meilleurs talents, de les fidéliser et de les faire adhérer à notre projet. Les profils jeunes, qui sont par nature des « job hoppers », sont plus délicats à attirer que par le passé. Nous devons donc monter des dispositifs RH novateurs qui leur donnent envie de construire avec nous.
Eurogroup Consulting intervient aujourd’hui sur des projets de transformation complexes pour le compte de 200 clients environ. Comment résumeriez-vous le cœur de métier d’Eurogroup Consulting, et quels sont vos grands domaines d’activité stratégique ?
Notre cœur de métier, c’est d’être générateur de transformation positive. Nous faisons le lien entre la créativité et l’écoute et nous offrons à nos clients un écosystème riche qui leur permet de transformer en profondeur et de façon pérenne.
Nous intervenons dans la banque, la finance, l’assurance, dans ce qui ce qui touche aux transformations d’Etat et du secteur public. Nous intervenons également dans l’industrie automobile, pharmaceutique, aéronautique et défense, mais aussi dans le monde des services et des transports, ainsi que dans la santé. Eurogroup Consulting exerce par ailleurs dans deux domaines d’activités transverses : l’un autour du numérique, où nous travaillons dans des projets liés à l’intelligence artificielle, au RPA (Robotic Process Automation), à la cybersécurité, … ; et l’autre autour de l’entreprise responsable, ce qui va plus loin que l’économie sociale et solidaire car nous travaillons sur les valeurs mêmes de la Société et des sociétés.
Vous avez l’ambition d’accroître l’offre de « conseil amplifié » du cabinet. Doit-on y lire une volonté de développer de nouvelles pratiques transverses ?
Notre ancrage sectoriel est une force historique de proximité avec nos clients, et nous y demeurons très attachés. Pour autant, cela fait plus de quinze ans que nous travaillons sur ces questions de pratiques transverses que l’on peut appeler « conseil amplifié ». Nous sommes désormais en train de le packager car les dirigeants attendent aussi de nous une capacité à leur proposer des offres intégrées qui mobilisent des expertises multiples.
Il y a des pratiques que nous traitons en propre, et d’autres où nous nous appuyons sur un réseau très développé de partenaires. C’est par exemple le cas pour la technologie et les données grâce à notre partenariat avec La Javaness (notre startup spécialisée dans l’innovation numérique et le déploiement de l’IA). Cette capacité d’assemblage d’expertises participe du « conseil amplifié ».
Comment déclinez-vous ces ambitions stratégiques sous forme de pratique managériale, au jour le jour ?
D’abord dans la formation permanente de nos managers et de nos consultants. De plus nous sollicitons nos consultants à la fois sur des missions auprès des clients mais également pour aider des start-ups que nous incubons chez nous. Ces dernières sont mentorées par de jeunes consultants. Nous appliquons donc des logiques RH mobilisatrices en offrant à nos collaborateurs des expériences au cœur des nouvelles économies qui se créent, qu’il s’agisse du numérique ou de l’économie responsable. Pour certains d’entre eux, nous avons également développé des projets intraprenauriaux, c’est ainsi que notre filiale numérique est née.
Enfin, le sens et l’utilité sont de puissants leviers d’adhésion. Cela fait plus de 15 ans qu’Eurogroup Consulting fait du mécénat de compétences et tous nos consultants y participent à un moment ou un autre.
Nous appliquons ces principes dans le mode d’évolution également. Par exemple, ce n’est qu’à partir du grade de manager que l’on choisit un secteur. Cela permet d’avoir une vision large des secteurs d’activité et de bénéficier de nombreuses rencontres humaines, sectorielles etc. A partir du grade de manager, on choisit son secteur et une transverse dans laquelle on veut travailler, même si elle peut changer au fil du temps.
Quels sont, selon vous, les principaux défis organisationnels que les directions générales devront relever, dans les années à venir ?
Selon moi un des enjeux est de prendre part intelligemment et sincèrement à cette nouvelle dynamique des projets qui fleurissent partout. Il ne faut pas se contenter de lancer des incubateurs qui ne sont pas portés par une philosophie d’entreprise car dans certains grands groupes, de nombreux projets ont vu le jour mais ils étaient plus une « vitrine » qu’une transformation authentique « d’entreprise étendue ». Les directions générales vont devoir être capables de réaliser ce pont humain, technique et technologique pour que cela corresponde vraiment à une vision nouvelle et concrète de leur corps social, structurel et élargi.
Un autre défi est celui du recrutement. Comment recruter des jeunes sur un marché où la plupart ne pensent qu’à créer leur start-up ? Comment attirer les talents ? Comment les garder ? Ces problématiques n’appartiennent pas qu’aux DRH mais doivent également concerner les directions générales.
Enfin, il y a un autre grand défi pour ces directions générales : celui de la géopolitique internationale qui varie très rapidement. Entre le moment où une usine s’implante dans un pays, forme des gens, et le moment où le premier produit fini sort de la chaîne, il peut s’écouler 18 à 24 mois. C’est-à-dire suffisamment de temps pour que des bouleversements géopolitiques se soient produits.
La nécessité du changement est parfois perçue comme un poncif managérial, voire une injonction synonyme de sacrifices et de contraintes pour les salariés. Or, vous avez choisi « l’art de la mobilisation » pour slogan. En quoi cela reflète-t-il votre philosophie du métier ?
Notre philosophie consiste à instaurer une transformation pérenne. Pour qu’elle le soit, il faut qu’elle soit décidée, engagée et soutenue par les dirigeants. Cependant, ce n’est pas suffisant, il faut qu’elle soit vécue, acceptée, comprise, et portée par ceux qui la vivent. Les changements ont toujours lieu pour une raison, il faut en décliner le sens et expliquer ce que cela implique. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a jamais de difficultés à titre individuel. Procéder à un changement avec une vraie posture managériale c’est aussi anticiper à plusieurs années. L’horizon temporel pour un projet de fusion par exemple peut s’étendre de quelques mois à 3 ans.
Les grandes organisations sont parfois sclérosées par leur complexité, mais aussi par une inflation de procédures internes et des exigences réglementaires de toutes sortes. Y’a-t-il des transformations impossibles ?
Il y a deux façons de traiter le réglementaire. On peut décider de l’appliquer sans réfléchir mais on peut faire le choix de ce qu’on appelle la « smart compliance », soit l’application intelligente. Au cœur du métier de consultant, il y a une loi qui s’est imposée à moi, c’est la loi de Pareto (80% des effets sont le produit de 20% des causes). En étant pragmatique et en appliquant Pareto aux exigences réglementaires par exemple, la notion de complexité s’érode quelque peu. Traitons donc 80% des cas et une fois cela fait, remettons un Pareto sur les 20%. C’est une façon de rendre possible l’impossible.
L’innovation, la créativité et la production intellectuelle tiennent une place importante chez Eurogroup Consulting, à tel point qu’elles ponctuent véritablement la vie de l’entreprise. Un cabinet de conseil de plus de trente ans d’existence devient-il un Think tank malgré lui ?
Je ne pense pas. Pour moi, la notion de Think tank et la notion de production intellectuelle ne sont pas nécessairement fusionnées, et s’il fallait utiliser un terme à la mode, nous serions plutôt un Think and do tank. Nous ne sommes pas véritablement un Think tank, nous sommes plutôt dans la mise en perspective d’un vécu et de la projection de celui-ci. En revanche quand on existe depuis plus de 35 ans, et qu’on assume un Devoir de conseil dans tous les secteurs de la Société, on a un rôle prospectif indéniable. Notre Observatoire Eurogroup Consulting, en est une manifestation, nous publions régulièrement sur des sujets comme l’énergie, les réformes territoriales ou encore le digital. Nos consultants, même très jeunes, contribuent à faire vivre l’Observatoire, cela va de pair avec notre pratique managériale ; notre chaire multi-entreprises à l’ESSEC d’Innovation Managériale et d’Excellence Opérationnelle, avec notre Laboratoire d’Innovation Managériale, est un exemple de lien entre recherche et pratique professionnelles ; notre participation à des sujets d’études à l’Institut Montaigne en est une autre forme.