C'est un peu comme l'évaluation du chiffre d'affaires de la Mafia (+ de 50 millliards d'euros) ou l'évaluation du poids du trafic de drogues dans le PIB mondial (243 milliards d'euros !) : on procède par recoupements, on extrapole, en ajoutant un peu de doigt mouillé et d'intuition. Mais au final, le chiffre veut dire quelque chose : c'est intolérable.
Les deux réseaux de passeurs d'immigrés clandestins d'Afrique vers l'Europe et d'Amérique du Sud vers l'Amérique du Nord, les deux eldorados, génèrent plus de 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires d'après l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Et encore ne s'agit-il que d'une estimation partielle, qui ne prend pas en compte le trafic en provenance des pays d'Asie ! Celui-ci, contrairement aux deux autres, est beaucoup plus structuré, contrôlé par des organisations puissantes, et par conséquence, capables de faire les choses "bien" et discrétement. Même le financement du passage est organisé en Asie, celui-ci pouvant se faire à crédit, le migrant étant condamné à rembourser sa dette pendant des années, sa famille ou ses parents restés "au pays" servant de garantie et risquant des représailles s'il arrête de payer.
Le trafic en provenance d'Afrique vers l'Europe est au contraire le fait de milliers de "micro-réseaux" opportunistes et faiblement dotés en moyens pour atteindre leur objectif. Il n'y a qu'à voir l'état des rafiots sur lesquels certains tentent la traversée de la méditérannée, qu'il s'agisse de vieux bateaux de pêche dont c'est le dernier voyage, ou de bateaux pneumatiques antédéluviens. Pourtant, un passage vers l'Europe est facturé 10 000 euros, mais certains, faisant miroiter une "réussite assurée", parviennent à extorquer jusqu'à 30 000 euros au migrant, qui pour réunir cette somme s'est souvent endetté auprès de toute sa famille, voire de tout son village. Le prêt avec la famille pour caution est aussi très pratiqué.
Le trafic de migrants est qui plus est un excellent business, car faiblement réprimé. Les passeurs sont rarement inquiétés et lorsqu'interpellation il y a, ce sont les exécutants du bout de la chaîne, ceux qui accompagnent les migrants lors de la tentative de franchissement d'une frontière ou d'une mer, qui sont appréhendés... et le plus souvent rapidement expulsés sans autre forme de procès ! Pendant ce temps là, les têtes des réseaux sont tranquillement installés au pays en train de compter leur argent...