OPINION
Philippe Herlin vient de publier «Cancel economy : pourquoi la transition énergétique est une catastrophe économique» à l’Institut Thomas More, il donne son avis sur la COP26.
Les grandes conférences internationales sont l’occasion de déclarations ambitieuses de la part des pays participants, et la COP26 de Glasgow (1-12 novembre) n’y échappe pas. La Chine vient ainsi d’annoncer qu’elle s’engageait à atteindre son pic d’émissions «avant 2030» et la neutralité carbone «avant 2060». Retenons bien ce calendrier car, en comparaison de celui de l’Union européenne, il ne manque pas de soulever des interrogations. 2030, pour l’Europe, marquera déjà la division par deux de ses émissions de CO2 (55% exactement), c’est l’objet du «Paquet climat», aussi appelé «Fit for 55», annoncé par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne le 14 juillet dernier. Un redoutable effet-ciseau se met donc en place : la Chine continuera d’augmenter ses émissions de CO2 pendant que l’Europe fera le chemin inverse… Peut-on imaginer que tout cela va se passer sans anicroches ? Et ensuite, en seulement l’espace de 30 ans, la Chine atteindra la neutralité carbone, alors que l’Europe, déjà nettement moins dépendante du charbon, s’y attèle sérieusement depuis au moins l’Accord de Paris (COP21 de 2015), avec l’échéance de 2050 en ligne de mire. Un tel scénario n’est pas crédible.
Ne sommes-nous pas face à un gigantesque jeu de dupes ? Tous les efforts que réalisera l’Europe pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (qui pèsent moins de 10% du total de la planète) seront engloutis par l’augmentation de ceux provenant de la Chine (près de 30%). Tout ce travail pour rien ? La Chine ne joue-t-elle pas sur deux tableaux en continuant à développer des sources d’énergie classiques et bon marché, tout en tenant un discours écologique bienveillant puisqu’elle nous vend les matières premières nécessaires à la transition énergétique (les métaux rares), dont elle détient un quasi-monopole ?
Cette transition énergétique qui consomme tant de subventions publiques et qui renchérit le coût des énergies, nous le voyons déjà, ne va-t-elle pas affaiblir la compétitivité de l’Europe face à la Chine, pour finalement générer une deuxième vague de délocalisations de nos industries ? Les partisans de l’urgence climatique dégainent la «taxe carbone aux frontières» afin de rétablir une concurrence juste. Le problème est que cette taxe s’avère impossible à mettre en oeuvre : déjà très complexe à mesurer pour des matières premières («mon acier vient du recyclage et l’électricité du haut-fourneau d’éoliennes» dira la Chine, qui va vérifier ?), le calcul devient impossible pour des produits finis comme une automobile qui réunit des centaines de sous-traitants. Il faudrait trouver un accord sur des normes internationales, avant 2030, autant rêver.
Les États-Unis s’engagent également résolument à réduire leurs émissions de CO2, mais en fait seulement depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden, et tout pourrait changer si, comme on le prévoit, les Républicains reprennent le Congrès et le Sénat en 2022, sans parler de la présidence en 2024. Les pays émergents affichent des ambitions comparables, notamment parce que l’Europe leur promet des subventions (100 milliards de dollars par an), mais ils continuent d’augmenter leurs moyens de production énergétiques, notamment à base de charbon, la ressource la plus utilisée dans le monde juste après le pétrole. En fait seule l’Europe adopte de façon religieuse, dirions-nous, un programme massif de baisse des émissions de CO2. Mais à quel prix ? Celui du sacrifice de son secteur automobile (arrêt du moteur thermique en 2035, les constructeurs chinois pourront alors déferler) ? Celui d’un coût de l’énergie qui fait passer le pouvoir d’achat des ménages dans le rouge ? Celui au final de la décroissance, comme les scénarios macroéconomiques le montrent (la transition énergétique coûte 2 à 3% du PIB, plus que la croissance avant le Covid) ?
Le gouvernement croit, ou feint de croire, que la France peut réaliser une transition énergétique complète, c'est-à-dire abandonner les énergies fossiles, sans hausse significative des coûts puisqu'un récent rapport de RTE le lui promet (Futurs énergétiques 2050, rendu public le 25 octobre). Le problème est qu'il est basé sur une hypothèse de départ farfelue (ou imposée par le pouvoir), à savoir une diminution quasiment par deux de la consommation d'énergie du pays d'ici 2050 (de 1600 TWh à 930 TWh), alors que celle-ci est stable depuis plusieurs décennies. Jusqu'à quel point peut-on se duper soi-même ?
Enfin, terminons par la duperie «suprême», pouvons-nous dire, celle d’un réchauffement climatique provoqué par l’homme qui fait, nous dit-on, l’objet d’un «consensus»… mais c’est bien la démonstration qu’il n’existe pas de preuve scientifique définitive. Ce qui existe, ce sont des modèles (ceux du GIEC), c’est-à-dire des données du passé et des hypothèses, que l’on essaie de projeter dans l’avenir, mais cela marche rarement, les économistes et les épidémiologistes peuvent en témoigner. Pourquoi un tel succès alors ? Parce que la lutte contre le réchauffement justifie l’intervention de l’État dans tous les domaines et à un niveau jamais atteint, ce qui satisfait d’aise notre classe politique unanimement étatiste, en France et en Europe. Les nations européennes trouvent ici une justification impérieuse à leurs penchants interventionnistes et bureaucratiques, mais abdiquer tout esprit critique conduit à de sérieuses déconvenues, ou à des catastrophes.